Contrôle de la pression artérielle diastolique : à partir de quand est-elle trop basse ?

Il est bien établi que le contrôle de l’hypertension par l’utilisation d’agents antihypertenseurs réduit la morbidité et la mortalité. Il a également été démontré que la diminution de la pression artérielle systolique (PAS) ainsi que de la pression artérielle diastolique (PAD) confère des avantages. À la fin des années 1970, un réexamen des données de Framingham a révélé que si aucun niveau de réduction de la pression artérielle systolique ne permettait d’améliorer les résultats, ce n’était peut-être pas le cas pour la pression artérielle diastolique. Par la suite, de nombreuses analyses ont été réalisées, démontrant la courbe en forme de J, avec une augmentation de la mortalité et des événements coronariens dans les groupes de sujets dont la PAD a été abaissée en dessous de 65-85 mm Hg. Beaucoup de ces analyses étaient cependant basées sur un petit nombre de cas. Trois explications ont été proposées pour expliquer ce phénomène. La première est que l’hypotension diastolique est fréquemment observée dans des conditions telles que la cardiomyopathie ou la malignité et que certains des patients qui ont présenté ce phénomène étaient peut-être simplement plus malades. Une autre explication est que la faible PAD est en réalité un marqueur de l’élargissement de la pression du pouls, qui est un indicateur de l’augmentation de la rigidité artérielle et de l’athérosclérose. Enfin, certains ont suggéré que l’hypotension diastolique réduit les pressions de remplissage coronaire, induisant ainsi une ischémie endocardique.

En pratique, l’hypotension diastolique isolée est une complication relativement rare du traitement antihypertenseur. Au contraire, de nombreux patients sont traités de manière inadéquate et ont à la fois une TAS et une TAD supérieures aux cibles recommandées. Les personnes âgées constituent un groupe où l’hypotension diastolique peut compliquer le traitement. Chez les personnes âgées, une variante courante de l’hypertension est l’hypertension systolique isolée avec une pression pulsée large et une pression diastolique normale ou même basse. Bien que de nombreuses études, notamment le programme SHEP (Systolic Hypertension in the Elderly Program), aient démontré les avantages considérables du traitement de cette forme d’hypertension, l’abaissement de la PAD est une conséquence inévitable de ce traitement. Cette réalité soulève quelques questions importantes : A quel moment du traitement de l’hypertension systolique isolée, le préjudice potentiel d’une faible TAD l’emporte-t-il sur le bénéfice d’une baisse de la TAS ? L’augmentation du taux d’événements associés à l’hypotension diastolique est-elle une conséquence du traitement, ou est-elle observée même chez les patients traités par placebo ?

Pour répondre à ces questions, Somes et ses collègues ont réanalysé les données de l’essai SHEP. Ils ont constaté une incidence plus élevée d’événements cardiovasculaires chez les patients souffrant d’hypertension systolique isolée et dont le TAD a été abaissé à <70 mm Hg. Chez les patients dont la TAD a été ramenée à moins de 55 mm Hg, le risque relatif d’événements cardiovasculaires a presque doublé. Ces données posent quelques problèmes car, là encore, le nombre de patients ayant atteint une TPD <55 mm Hg était faible et une lecture attentive de cette étude suggère que des niveaux de 45 mm Hg n’étaient pas délétères. Ces phénomènes ont été observés dans le groupe traité mais pas dans le groupe placebo. Il n’est pas clair si l’augmentation du taux d’événements associée à une faible TAD dans le groupe de traitement était une conséquence directe de l’hypotension diastolique ou plutôt le résultat d’une maladie subclinique qui a été démasquée par le traitement antihypertenseur. Il est important de noter que le taux d’événements chez les patients du groupe de traitement actif présentant une hypotension diastolique était toujours inférieur au taux d’événements chez les patients du groupe placebo. Les auteurs concluent que les patients qui atteignent des niveaux de TAD d’environ 55-60 mm Hg méritent une surveillance plus attentive et un traitement plus agressif des autres facteurs de risque cardiovasculaire.

Sur la base de ces résultats, nous recommandons de traiter les patients atteints d’hypertension systolique isolée pour abaisser la TAS à <140 mm Hg, comme le recommande le septième rapport du Joint National Committee on Prevention, Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Pressure. La prudence est de mise lorsque la TAD oscille autour de 56-60 mm Hg car (d’après ce que nous savons actuellement) c’est à ce moment-là que le risque peut se rapprocher du bénéfice. Comme toujours, il reste prudent de proposer à ces patients un contrôle agressif de leurs autres facteurs de risque cardiovasculaire.