Le test standard de la conscience de soi est de pouvoir se reconnaître dans un miroir. Si les chimpanzés réussissent ce test haut la main, les gorilles ont des résultats inconstants. Les chiens échouent en traitant le reflet comme un autre animal.
Des animaux expérimentalement conscients de soi
Gordon Gallup (1) a conçu le premier test crédible de conscience de soi. Il a exposé des chimpanzés à un grand miroir afin qu’ils puissent se familiariser avec leur propre image. Une marque de colorant a été subrepticement placée sur le front des chimpanzés exposés au miroir. Les chimpanzés se sont comportés comme des humains dans des circonstances similaires. Ils ont utilisé le miroir pour inspecter la marque, l’ont touchée avec un doigt et ont tenté de l’enlever.
Peu d’animaux passent le test du miroir pour la conscience de soi (modifié de manière appropriée pour les différences d’anatomie entre les espèces). Ils comprennent les chimpanzés, les bonobos (chimpanzés pygmées), les orangs-outans, au moins un éléphant (Happy, Plotnik, 2006), les dauphins, les baleines à bosse et les pies (3). À l’exception des pies, tous ces animaux ont un gros cerveau. Ils sont également tous très sociaux, à l’exception des orangs-outans, qui sont surtout solitaires à l’âge adulte.
Les pies sont la grande surprise de cette liste, mais elles et leurs parents (les corvidés, ou corbeaux) sont intelligents et passent des tests de résolution de problèmes que seuls les grands singes peuvent maîtriser. Les résultats sont mitigés pour les gorilles et les singes capucins, certaines études rapportant qu’ils réussissent le test du miroir mais d’autres qu’ils échouent.
Surprenant, les chiens ne réussissent pas le test de la conscience de soi. Les chiens sont très intelligents, extrêmement sociaux, et s’intègrent parfaitement dans les foyers humains, jusqu’à apprendre volontairement à reconnaître le sens des mots humains.
Toute personne ayant vu le segment de 60 Minutes sur les border collies sait que ces chiens intelligents sont extrêmement attentifs aux besoins de leurs maîtres. Un colley avait une grande collection d’environ mille jouets en peluche qu’il pouvait récupérer à la demande. « Par exemple, si on lui demandait d’aller chercher Kermit, il obtenait toujours la grenouille de Sesame Street, et quel que soit le jouet demandé, le chien le récupérait. Il est difficile d’imaginer qu’il ne s’agisse pas d’un comportement intelligent (par opposition au conditionnement opérant). Si c’est le cas, cela suggère que le chien saisit clairement les intentions de son propriétaire, laissant entendre qu’une capacité de conscience de soi n’est pas impensable.
Pourquoi les gorilles et les chiens échouent
Les résultats incohérents des gorilles en matière d’auto-reconnaissance en miroir sont parfois attribués à la taille relativement petite de leur cerveau par rapport aux chimpanzés. Il s’agit pourtant d’un argument bancal. Ils montrent un intérêt pour la peinture des animaux captifs (4), et les gorilles mâles s’occupent parfois d’orphelins, ce qui est inconnu chez les chimpanzés (5). Ce comportement pourrait être motivé par une empathie qui suggère une conscience de soi, bien que d’autres interprétations soient possibles.
Les gorilles peuvent avoir de mauvais résultats au test du miroir parce qu’ils évitent de regarder directement des étrangers, car cela constitue une manifestation de menace. Il leur est donc difficile d’apprendre que le reflet du miroir est eux-mêmes.
Les amateurs de chiens se plaignent que le test du miroir favorise les animaux visuels comme les primates mais rend la tâche difficile aux chiens, qui sont plus concentrés sur les indices auditifs et olfactifs.
Corrélats de la conscience de soi chez les chiens
En plus de leur intelligence générale, comme en témoignent les nombreuses tâches utiles que les chiens accomplissent pour les humains (sauvetage de skieurs, garde de moutons, désignation silencieuse de proies), les chiens sont socialement astucieux. Un animal apparemment bien élevé peut saisir un morceau de viande sur un plan de travail dès que son maître a le dos tourné. S’il est pris sur le fait, le chien se recroqueville d’une manière qui suggère la culpabilité, ou du moins la crainte d’une punition. Il est difficile de comprendre ces actions sans supposer que l’animal a une sorte de représentation mentale de la façon dont il est censé se comporter.
Le chercheur en cognition animale Marc Bekoff (6) a constaté que son chien Jethro (un mélange de Rottweiler castré) pouvait reconnaître ses propres marques olfactives d’urine dans la neige et évitait de marquer par-dessus, mais ce n’est pas exactement une conscience de soi. En fait, il est probable que tous les animaux qui marquent leur odeur évitent de marquer leur propre odeur par réflexe. Des tests mieux contrôlés ont reproduit le résultat de Bekoff selon lequel les chiens passent moins de temps à renifler leur propre odeur.
Bien que nous puissions souhaiter croire que le meilleur ami de l’homme est conscient de lui-même, il n’y a pas encore de bonnes preuves à l’appui, bien que cela puisse refléter des problèmes avec les tests. Pour l’instant, tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que les chiens domestiques sont presque incroyablement bien adaptés à la niche de service des humains. Ils peuvent avoir accompli cela si bien que nous sommes trompés en pensant qu’ils ont à peu près la même vie intérieure que nous.