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8.6.1. Les vitamines hydrosolubles fonctionnent comme des coenzymes

Image caduceus.jpgLe tableau 8.9 énumère les vitamines hydrosolubles – l’acide ascorbique (vitamine C) et une série connue sous le nom de complexe vitaminique B (figure 8.32). L’ascorbate, la forme ionisée de l’acide ascorbique, sert d’agent réducteur (un antioxydant), comme nous le verrons bientôt. La série des vitamines B comprend des composants de coenzymes. Notez que, dans tous les cas sauf pour la vitamine C, la vitamine doit être modifiée avant de pouvoir remplir sa fonction.

Figure 8.32. Structures de quelques vitamines hydrosolubles.

Figure 8.32

Structures de quelques vitamines hydrosolubles.

Les carences en vitamines sont capables de provoquer une variété de conditions pathologiques (voir le tableau 8.9). Cependant, beaucoup des mêmes symptômes peuvent résulter d’autres conditions que le manque d’une vitamine. Pour cette raison et parce que les vitamines sont nécessaires en quantités relativement faibles, les conditions pathologiques résultant de carences en vitamines sont souvent difficiles à diagnostiquer.

Le besoin en vitamine C s’est avéré relativement simple à démontrer. Cette vitamine hydrosoluble n’est pas utilisée comme coenzyme, mais elle est tout de même nécessaire à l’activité continue de la proyl hydroxylase. Cette enzyme synthétise la 4-hydroxyproline, un acide aminé qui est nécessaire au collagène, le principal tissu conjonctif des vertébrés, mais que l’on trouve rarement ailleurs. Comment cet acide aminé inhabituel est-il formé et quel est son rôle ? Les résultats d’études de marquage radioactif ont montré que les résidus de proline du côté amino des résidus de glycine dans les chaînes de collagène naissantes sont hydroxylés. L’atome d’oxygène qui se fixe au C-4 de la proline provient de l’oxygène moléculaire, O2. L’autre atome d’oxygène de O2 est capté par l’α-cétoglutarate, qui est converti en succinate (Figure 8.33). Cette réaction complexe est catalysée par la prolyl hydroxylase, une dioxygénase. Elle est assistée par un ion Fe2+, qui lui est étroitement lié et nécessaire pour activer l’O2. L’enzyme transforme également l’α-cétoglutarate en succinate sans hydroxylation de la proline. Dans cette réaction partielle, un complexe de fer oxydé est formé, ce qui inactive l’enzyme. Comment l’enzyme active est-elle régénérée ? L’ascorbate (vitamine C) vient à la rescousse en réduisant l’ion ferrique de l’enzyme inactivée. Au cours du processus de récupération, l’ascorbate est oxydé en acide déhydroascorbique (Figure 8.34). Ainsi, l’ascorbate sert ici d’antioxydant spécifique.

Figure 8.33. Formation de la 4-Hydroxyproline.

Figure 8.33

Formation de la 4-Hydroxyproline. La proline est hydroxylée en C-4 par l’action de la prolyl hydroxylase, une enzyme qui active l’oxygène moléculaire.

Figure 8.34. Formes de l'acide ascorbique (vitamine C).

Figure 8.34

Formes de l’acide ascorbique (vitamine C). L’ascorbate est la forme ionisée de la vitamine C, et l’acide déhydroascorbique est la forme oxydée de l’ascorbate.

Les primates sont incapables de synthétiser l’acide ascorbique et doivent donc l’acquérir dans leur alimentation. L’importance de l’ascorbate devient étonnamment évidente dans le cas du scorbut. Jacques Cartier, en 1536, a donné une description vivante de cette maladie de carence alimentaire, qui affligeait ses hommes alors qu’ils exploraient le fleuve Saint-Laurent :

Certains perdirent toute leur force, et ne purent se tenir sur leurs pieds. … D’autres aussi avaient toutes leurs peaux tachées de taches de sang de couleur pourpre : puis cela montait jusqu’à leurs chevilles, genoux, cuisses, épaules, bras et cou. Leur bouche devenait puante, leurs gencives si pourries, que toute la chair tombait, jusqu’à la racine des dents, qui tombaient aussi presque toutes.

James Lind, un médecin écossais, a éclairé les moyens de prévenir le scorbut dans un article intitulé « A Treatise of the Scurvy » publié en 1747. Lind décrivait une étude contrôlée établissant que le scorbut pouvait être prévenu en incluant des agrumes dans l’alimentation. La Royal Navy a fini par distribuer des rations de citron vert aux marins, ce qui a valu aux marins britanniques le surnom de « limeys ». Les recherches de Lind ont été inspirées par la situation critique d’une expédition commandée par le commodore George Anson. Anson a quitté l’Angleterre en 1740 avec une flotte de six navires et plus de 1000 hommes et est revenu avec une énorme quantité de trésor, mais de son équipage, seulement 145 ont survécu pour atteindre la maison. Les autres étaient morts du scorbut.

Pourquoi une hydroxylation altérée a-t-elle des conséquences aussi dévastatrices ? Le collagène synthétisé en l’absence d’ascorbate est moins stable que la protéine normale. Les études sur la stabilité thermique des polypeptides synthétiques ont été particulièrement instructives. L’hydroxyproline stabilise la triple hélice du collagène en formant des liaisons hydrogène entre les brins. Les fibres anormales formées par un collagène insuffisamment hydroxylé contribuent aux lésions cutanées et à la fragilité des vaisseaux sanguins observées dans le scorbut.