Système visuel

Le développement du système visuel chez la plupart des groupes d’invertébrés commence par la différenciation des photorécepteurs dans un épithélium ectodermique. Les photorécepteurs se différencient généralement indépendamment des centres nerveux qu’ils innervent, et les interneurones visuels dérivés de la périphérie sont exceptionnels. Cette situation contraste avec celle des vertébrés, chez lesquels la « rétine » est issue d’une excroissance embryonnaire du cerveau antérieur, qui génère plusieurs classes d’interneurones ainsi que des photorécepteurs. La plupart de nos connaissances sur les bases génétiques et moléculaires du développement du système visuel chez les invertébrés proviennent d’études sur les yeux composés de la drosophile Drosophila melanogaster. Si cette focalisation sur un seul système modèle nous récompense par la profondeur de notre compréhension des mécanismes de développement, elle a donné lieu à une lacune importante dans notre connaissance souvent rudimentaire d’autres groupes méritants : les céphalopodes, les pectinidés, les araignées, les cuboméduses et les salpes, pour n’en citer que quelques-uns, tous dotés d’yeux avancés. Il en va de même pour le développement des connexions neuronales au sein des centres visuels du cerveau (figure 1). Ici aussi, la drosophile est le modèle invertébré de choix pour élucider les mécanismes moléculaires sous-jacents. Notre compréhension de nombreux aspects du développement du système visuel des invertébrés doit cependant englober la connaissance non seulement des yeux composés des arthropodes, mais aussi d’yeux aussi divers que, par exemple, les yeux à lentille unique très développés des céphalopodes, ou les yeux oculaires ancestraux de formes telles que les planaires.

Figure 1. Résumé du développement du système visuel chez Drosophila melanogaster, vu par étapes de résolution cellulaire progressivement plus fine. (a) L’œil se développe à partir d’un disque oculaire relié par un pédoncule optique (double pointe de flèche) au lobe optique en développement dans l’hémisphère supra-œsophagien, ou ganglion, du cerveau larvaire. (b) Le pédoncule optique (os) pénètre dans le ganglion supra-œsophagien (seg) au centre de l’anlage optique externe (ooa) en forme de croissant. Avec le développement ultérieur, les bras de l’anlage s’ouvrent dans la direction marquée « X », transformant les cortex auxquels il donne naissance de formes circulaires en formes rectangulaires. L’anlage externe et l’anlage optique interne concentrique sont représentés par rapport au point d’entrée du pédoncule optique sur la surface postérolatérale de l’hémisphère droit. Les neuroblastes et autres cellules progénitrices de l’anlagen prolifèrent dans la direction des pointes de flèche, apportant des strates de cellules triées dans le temps à la lamelle (neuroblastes formant la lamelle ; lafn), à la moelle (mfn) et au troisième neuropil optique (lobula ; lofn). Une strate (représentée en hachuré dans chaque cortex) a été produite en même temps et a été déplacée par des strates plus récentes dans son cortex respectif (lan, lamina neuropil ; mn, medulla neuropil). Les relations entre ces populations cellulaires sont plus claires en coupe transversale (dans le schéma c). (c) Relation entre la génération de cortex cellulaires dans le diagramme b et les voies axonales se développant entre eux, dans un plan horizontal du diagramme b, qui illustre la relation étroite entre les vagues d’innervation des photorécepteurs imaginaux et le trajet du nerf de Bolwig larvaire (Bn). Celui-ci passe de la face interne de la membrane péripodiale (pm) à la lamina plexus (Lap) et à la médulla (Me) via le pédoncule optique (os). Il et/ou les axones de trois pionniers du lobe optique (olp), des interneurones postulés, innervent un neuropil optique larvaire (lon), qui est relié au cerveau central par une voie (X) qui anticipe le tractus optique postérieur. De nouveaux amas ommatidiaux (o) s’accumulent derrière le sillon morphogénétique (mf), apportant de nouveaux faisceaux d’axones qui se fasciculent sur les axones précédemment étendus dans le pédoncule optique avec l’expansion antérieure du champ rétinien (flèche 1). Les populations cellulaires sous-jacentes s’étendent dans les directions correspondantes : flèche 2, cortex de la lamina (LaC) ; flèche 3, médulla (Me) et cortex de la medulla (MeC) ; flèche 4, lobula (Lo) et cortex de la plaque du lobula (LoPC). Les cellules s’ajoutent au cortex de la lamina à partir d’un côté de l’anlage optique externe (ooa), la zone de prolifération latérale (A), et au cortex de la medulla à partir de l’autre côté, la zone de prolifération médiane (B). Les premiers descendants de B sont les tangentielles précoces de la moelle (MeT), dont les cônes de croissance se faufilent à travers la moelle et croisent les nouveaux éléments colonnaires qui se développent au niveau du bord antérieur. D’autres voies tangentielles correspondent aux voies ultérieures du tractus optique antérieur (Y) et des cellules tangentielles du lobule (Z). L’anlage optique interne (AIOA) prolifère dans deux directions : dans la direction C, pour générer des cellules dans le cortex de la plaque du lobule, et dans la direction D, pour générer des cellules de type T2, T3 ou C, selon ce que l’on juge uniquement en fonction de la position des somates dans le lobe optique adulte. Les axones de la progéniture cellulaire, et leurs cônes de croissance, génèrent un plexus pour chaque cortex, qui formera finalement le neuropil adulte. Le croisement des faisceaux de fibres entre la lamina et la médulla résulte de la fasciculation sélective des voies de fibres dans une séquence d’innervation comme une bande transporteuse et de la direction d’approche entre le faisceau et le plexus. (Les faisceaux pénètrent le cortex de la lamina pour innerver son plexus mais se développent le long du bord interne du cortex de la medulla pour innerver la medulla). De grandes cellules gliales se trouvent le long des trajets des fibres dans le chiasma externe (ext.ch) et le chiasma interne (int.ch) ; sg, ganglion sous-œsophagien. (d) Prolifération à partir de la zone de prolifération latérale de l’anlage externe (voir schéma c). Les cellules sont progressivement déplacées des neuroblastes de l’anlage externe selon une succession de stades de leur cycle cellulaire (G2/M, G1, S, G2/M) autour de la lèvre de l’anlage. Les cellules postmitotiques se trouvent dans le cortex laminaire (LaC), où elles sont innervées par des faisceaux d’axones de photorécepteurs (pointes de flèches) provenant du pédoncule optique (os), qui déclenchent la transition de G1 à S dans les cellules de l’anlage adjacent (flèche pleine) ainsi que le début de la différenciation et de l’axonogenèse dans les cellules déjà postmitotiques (flèche ouverte). (e) Les amas ommatidiaux mûrissent dans le disque oculaire, derrière le sillon morphogénétique (mf), vus en élévation (profils clairs) et en coupes transversales correspondantes dans lesquelles les noyaux sont ombrés. Les flèches indiquent les directions de migration des noyaux, appariés par paires de photorécepteurs R1-R8 (étiquetés 1-8). Les coupes transversales de a (le plus jeune) à f (le plus vieux) représentent les pré-amas (a, b), les amas immatures (c) et symétriques (d) à huit cellules, ainsi que les stades à deux cellules coniques (e) et à quatre cellules coniques (f). Les cellules coniques sont marquées ‘C’. (f) R1-R8 dans l’amas ommatidial (correspondant à la coupe transversale c dans le diagramme e) comprend deux cellules centrales (R8, R7) et trois paires (R2/R5, R3/R4, R1/R6). L’induction dans R1-R6 implique un signal provenant de R2/R5 qui dépend de l’expression de rough (ro) pour induire le développement dans R3/R4 ; le produit de rough apparaît également dans R3 et R4. Les quatre cellules définissant la deuxième ligne de symétrie (R3, R4, R1 et R6) nécessitent toutes l’expression de sevenup (svp) pour acquérir leur destin normal. (c) Modifié à partir de Meinertzhagen IA (1973) Development of compound eye and optic lobe in insects. In : Young D. (ed.) Developmental Neurobiology of Arthropods, pp. 51-104. Cambridge, UK : Cambridge University Press. (d) Modifié à partir de Selleck SB, Gonzales C, Glover DM, et al. (1992) Regulation of the G1-S transition in postembryonic neuronal precursors by axon ingrowth. Nature 355 : 253-255. (e, f) Modifié de Wolff T et Ready DF (1993) Pattern formation in the Drosophila retina. In : Bate M et Martinez Arias A (eds.) The Development of Drosophila melanogaster, pp. 1277-1325. Plainview, NY : Cold Spring Harbor Laboratory Press, avec la permission des auteurs et de Cold Spring Harbor Press.