Carence en vitamine C chez un patient anticoagulé | Savage Rose

DISCUSSION

La carence en vitamine C est une maladie rare dans la population américaine, avec une prévalence ponctuelle de 3,6 % selon la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES), qui a mesuré les taux de vitamine C dans un échantillon stratifié à plusieurs degrés de la population américaine âgée de 6 à 150 ans1. Une carence apparente en vitamine C survient après 60 à 90 jours d’un régime alimentaire entièrement dépourvu de vitamine C.2,3 Bien que la carence apparente en vitamine C soit rare, on pense que la carence latente, c’est-à-dire la carence en vitamine C sans constatation physique manifeste, est plus fréquente, mais elle n’est souvent pas diagnostiquée en raison de ses symptômes et signes vagues.4

La warfarine exerce son effet par l’inhibition de l’époxyde réductase de la vitamine K, une enzyme essentielle dans le métabolisme de la vitamine K.5 Les patients sous warfarine ont pour consigne de limiter leur consommation d’aliments apportant plus de 60 % de la valeur quotidienne en vitamine K. On leur donne des tableaux d’aliments entrant dans cette catégorie pour maintenir l’INR dans la fourchette souhaitée. Ces conseils sont assez compliqués. En 2011, le National Institute of Health a modifié ses conseils alimentaires aux patients prenant de la warfarine pour qu’ils maintiennent simplement un apport constant d’aliments riches en vitamine K dans leur alimentation.6 Avant les nouvelles recommandations, certains patients évitaient complètement les aliments contenant de la vitamine K, ce qui les exposait au risque de carences vitaminiques multiples, étant donné la restriction concomitante d’autres nutriments présents dans les aliments riches en vitamine K. Le tableau 1 contient une liste d’aliments indiquant leur teneur à la fois en vitamine C et en vitamine K7.

Tableau 1

Aliments ayant à la fois une teneur élevée en vitamine C et en vitamine K*

Aliments Communs. mesure Contenu par mesure de la vitamine C en milligrammes Contenu par mesure de la vitamine K en microgrammes
Brocolis, cuit 1 tasse 101.2 220.1
Choux de Bruxelles 1 tasse 96.7 218.0
Kale 1 tasse 53,3 1 062,1
Turnip greens 1 tasse 39.5 529.3
Verts de moutarde 1 tasse 35.4 419.3
Collards 1 tasse 34.6 836,0
Epinards, frais, bouillis 1 tasse 17,6 888.5
Laitue, feuille verte 1 tasse 5,2 70.7

*USDA National Nutrient Database for Standard Reference, Release 247

Notre patiente présente plusieurs autres facteurs de risque de carence en vitamine C, notamment son âge, sa malignité et sa carence en fer. Les apports nutritionnels recommandés (ANR) en vitamine C chez les femmes non fumeuses, non enceintes et non allaitantes de plus de 19 ans sont de 75 mg.8

Les données de l’enquête NHANES 2007-2008 montrent que chez les hommes américains de plus de 20 ans, l’apport moyen en vitamine C est de 91,3 mg, alors que les femmes de plus de 20 ans ont des niveaux moyens plus faibles de 77,9 mg, soit seulement 2,9 mg de plus que les ANR9. Les adolescentes ont l’apport moyen le plus faible (73,8 mg), suivies de près par les préadolescentes (75,4 mg) et les femmes de 60 ans (75,6 mg). Dans une étude menée sur 10 ans dans un groupe de personnes âgées en bonne santé en Italie, la carence en vitamine C est passée de 3 % à 6 % chez les hommes et de 2,3 à 4,5 % chez les femmes. Les auteurs concluent qu’en dépit d’une apparence de santé adéquate, d’un bon statut fonctionnel et d’un apport calorique adéquat, une proportion considérable de personnes âgées vieillissant avec succès sont carencées en plusieurs vitamines essentielles, dont la vitamine C. Les auteurs recommandent désormais une supplémentation multivitaminique même chez les personnes âgées en bonne santé afin de les protéger contre les carences nutritionnelles.10

De faibles concentrations plasmatiques de vitamine C sont également fréquentes chez les personnes atteintes de cancer.11-Une étude menée auprès de 50 patients atteints de cancer à un stade avancé dans un hospice a révélé que 30 % d’entre eux présentaient une carence en vitamine C, en corrélation avec l’apport alimentaire en vitamine C et les marqueurs de la réponse inflammatoire.13 D’autres études corroborent la relation entre de faibles concentrations plasmatiques de vitamine C et l’élévation des marqueurs inflammatoires tels que la protéine C réactive (CRP).14 La vitamine C est un donneur d’électrons dont la concentration est élevée dans les leucocytes, où elle élimine les espèces réactives de l’oxygène en réponse aux agressions infectieuses et inflammatoires.3 Il est proposé que la vitamine C ait un effet anti-inflammatoire en raison de la corrélation entre la carence et l’élévation des marqueurs inflammatoires, mais le mécanisme exact n’est pas clair.15 Une autre étude portant sur 57 patients cancéreux ayant un apport quotidien adéquat, mais de faibles taux sériques de vitamine C, a proposé une utilisation accrue de la vitamine C, par exemple pour éliminer les peroxydes lipidiques, ainsi que la séquestration de la vitamine C par les cellules tumorales comme causes possibles de la carence.16 Bien que les antécédents d’adénocarcinome précoce du sein et de cancer papillaire de la thyroïde de notre patiente puissent être considérés comme des facteurs de risque, ses cancers ont été traités avec succès il y a 8 ans et il est peu probable qu’ils contribuent à sa carence actuelle en vitamine C.

Le dernier facteur de risque de carence en vitamine C chez notre patiente est la carence en fer. On lui a diagnostiqué une anémie ferriprive confirmée par une biopsie de la moelle osseuse. Son bilan gastro-intestinal n’a révélé que quelques polypes bénins du côlon, des hémorroïdes et une gastrite. L’absorption intestinale de la vitamine C est régulée par au moins un transporteur spécifique actif dépendant de la dose et du sodium.3,8 Une découverte récente est que le fer est important pour l’absorption de l’acide ascorbique, car le fer augmente l’expression du transporteur 1 de la vitamine C dépendant du sodium (SVCT1) dans les cellules intestinales humaines Caco-2. Une carence en fer peut entraîner une baisse de l’expression du SVCT1 et, par conséquent, constituer un facteur de risque de développer une carence en vitamine C.17