DISCUSSION
Le CHC est l’une des maladies malignes les plus courantes dans le monde et la majorité des cas de CHC surviennent chez des personnes souffrant d’infections chroniques par le virus de l’hépatite B ou C. Tous les âges peuvent être touchés par le CHC. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 53 ans en Asie et de 62 ans aux États-Unis. Récemment, une analyse de 76 cas de CHC étudiés par Butt et al a montré que l’âge moyen est de 52,2±11,3 ans et le taux moyen d’AFP est de 142±155 ng/mL. Au contraire, notre patient était très jeune et le taux d’AFP était très élevé. La transmission du virus de l’hépatite B par sa mère au tout début de sa vie pourrait être la cause du développement du CHC à un très jeune âge.
L’AFP reste le meilleur marqueur pour le diagnostic précoce du CHC. Chez les adultes, la valeur de l’AFP jusqu’à 20 ng/mL est considérée comme normale. Les patients atteints d’une cirrhose liée au virus de l’hépatite B et présentant un taux d’AFP supérieur à 100 ng/mL font partie du groupe à très haut risque de CHC. Le taux d’AFP est généralement en corrélation avec la taille de la tumeur. Ainsi, le taux très élevé d’AFP chez notre patient peut être dû à la grande taille de la tumeur, qui était multifocale dans les deux lobes du foie.
Des taux d’AFP extrêmement élevés sont trouvés dans les tumeurs du sinus endodermique (tumeurs du sac vitellin) également. De tels néoplasmes se produisent dans les testicules, les ovaires et les sites extragonadiques. Ils surviennent généralement chez des sujets jeunes. Nous avons donc également examiné le testicule de notre patient et pratiqué une orchidectomie après avoir palpé une masse testiculaire. Le résultat histopathologique était une tumeur à cellules de Sertoli du testicule, qui était une tumeur stromale gonadique testiculaire. La tumeur des cellules de Sertoli (TCS) est très rare parmi les tumeurs du testicule et représente moins de 1 % des néoplasmes testiculaires primaires. Elle est sous-classée en trois groupes : classique, calcifiante à grandes cellules (LCCSCT) et sclérosante. La plupart des SCT sont bénins, les métastases sont le seul indicateur fiable de malignité, se produisant dans moins de 10% des cas. Les sites les plus courants de propagation métastatique sont les ganglions lymphatiques rétropéritonéaux, les poumons, le foie et les os. La GCSL et la GCS sclérosante ont un potentiel métastatique minime.
Le risque de cancer du foie est très élevé dans un foie cirrhotique. Il existe également des preuves que le risque de cancers extra-hépatiques augmente chez les patients atteints de cirrhose. La raison de l’augmentation du risque de malignité extrahépatique dans la cirrhose n’est pas claire mais peut être due à de nombreuses altérations anormales et métaboliques dans la cirrhose comme l’hyperestrogénie, des altérations dans le métabolisme des lipides et des médicaments hydrosolubles et d’autres produits chimiques, des altérations dans les fonctions immunitaires et le risque d’infections dans la cirrhose. Dans cette étude de cohorte, Sorensen et al ont également rapporté que l’occurrence du cancer du foie, des cancers liés au tabac et à l’alcool, du cancer des testicules, du cancer de l’estomac et du colon est significativement plus élevée dans la cirrhose que prévu. Cette étude pourrait expliquer deux cancers primitifs chez notre jeune patient que l’on pensait cirrhotique en raison d’une infection chronique par l’hépatite B.
Bien que notre cas soit en état d’insuffisance hépatique décompensée, il présentait une hypercholestérolémie parallèle à la modification de l’AFP sérique. Hwang et al ont également observé que les patients atteints de CHC présentant une hypercholestérolémie ont des taux sériques moyens d’albumine, de triglycérides et d’AFP significativement plus élevés par rapport aux patients atteints de CHC appariés selon l’âge, le sexe et le volume tumoral sans hypercholestérolémie. Il a été rapporté que 11% des patients atteints de CHC ont une hypercholestérolémie, ce qui peut être expliqué par le résultat possible de l’absence de rétro régulation de la suppression du cholestérol alimentaire dans le foie endommagé.
En conclusion, ce cas est un exemple montrant le risque accru de tumeurs hépatiques et extra-hépatiques dans la cirrhose. En présence d’un CHC chez un patient cirrhotique, il pourrait y avoir plusieurs cancers primaires. La possibilité d’une deuxième tumeur maligne primaire chez un patient atteint de CHC doit être gardée à l’esprit, en particulier lorsque le taux d’AFP est très élevé et que cette deuxième tumeur maligne primaire peut être une sorte de tumeur très rare. Cependant, la coexistence d’un CHC et d’une tumeur du testicule est très rare. A notre connaissance, il s’agit du premier rapport de cas montrant la coexistence d’un CHC et d’une tumeur du testicule chez un jeune garçon présentant un taux d’AFP extrêmement élevé.