Les observations cliniques des tumeurs humaines ont suggéré que les tumeurs ont tendance à subir une série de changements au cours de la maladie ; par exemple, une croissance qui semblait initialement bénigne peut se transformer en un cancer malin et mortel. Ce processus d’évolution et de progression tumorale est très probablement dû à une variabilité génétique acquise au sein de clones de tumeurs en développement, couplée à des pressions de sélection de l’hôte conduisant à l’émergence de nouvelles sous-lignées clonales dont la croissance ou la malignité augmente.
La progression tumorale vers la malignité s’accompagne d’une instabilité génétique croissante des cellules en progression. En effet, de multiples études ont conclu que les cellules hautement métastatiques sont systématiquement moins stables phénotypiquement et génotypiquement que leurs homologues non métastatiques. Cela suggère que la génération rapide de diversité pendant la progression peut être due, au moins en partie, à l’instabilité génétique accrue des cellules tumorales. Un mécanisme supplémentaire pour générer la diversité des cellules tumorales est que les phénomènes « épigénétiques » pourraient produire une diversification biologique par des modifications de l’ADN exclusives de l’altération de la séquence d’ADN.
Au moment où le cancer est diagnostiqué, la lésion peut dépasser 1cm3, contenant donc > 109 cellules. La destruction de 99,9% des cellules, un résultat remarquable certes, laisse encore 106 cellules proliférer et générer rapidement une diversité biologique, y compris des variantes résistantes aux traitements. Les trois principaux domaines où l’hétérogénéité biologique des néoplasmes est susceptible de s’avérer d’une importance pratique sont la détection des dépôts tumoraux à l’aide d’anticorps monoclonaux ou de marqueurs de cellules tumorales, la conception de procédures de dépistage de nouvelles modalités thérapeutiques, et enfin l’application de régimes thérapeutiques autres que la résection chirurgicale.
Les implications de la diversité des cellules tumorales sur le résultat du traitement des métastases cancéreuses ne peuvent être exagérées. La nature hétérogène de la réponse des sous-populations de cellules tumorales malignes aux médicaments cytotoxiques et à d’autres modalités thérapeutiques rend peu probable qu’un seul régime de traitement soit capable de tuer toutes les cellules d’une tumeur. Dans de nombreuses situations cliniques, après l’achèvement d’un protocole de traitement utilisant des médicaments combinés qui élimine la charge tumorale cliniquement détectable, de nouveaux schémas thérapeutiques ne sont mis en œuvre que lorsque le patient présente quelque temps plus tard des signes cliniques de maladie récurrente. Malheureusement, au moment où la maladie récurrente est diagnostiquée et soumise à un nouveau protocole thérapeutique, les cellules tumorales de la ou des lésions récurrentes sont susceptibles de différer considérablement des cellules de la tumeur d’origine.
Au fil des ans, de nombreux chercheurs ont mobilisé les mécanismes immunitaires de l’hôte pour contrôler les métastases cancéreuses. Plusieurs approches utilisant des manipulations immunologiques spécifiques et non spécifiques ont été employées pour détruire les cellules tumorales. Dans la pratique, cependant, il semble qu’il y ait au moins trois composantes majeures d’une application réussie des techniques immunologiques au contrôle des métastases cancéreuses : (1) la nature antigénique hétérogène des néoplasmes malins ; (2) l’antigénicité intrinsèque des cellules tumorales métastatiques ; et (3) la capacité de l’hôte primaire à reconnaître et à détruire les cellules tumorales sensibles.
Un domaine actif de la recherche clinique pour l’immunothérapie des métastases est l’utilisation d’anticorps monoclonaux ou d’immunoconjugués. Les anticorps monoclonaux seuls peuvent être utiles pour bloquer spécifiquement les étapes de la pathogenèse des métastases. Les immunoconjugués sont utilisés pour cibler ces agents cytotoxiques sur les métastases. Une voie pour contourner le problème de l’hétérogénéité avec la thérapie par anticorps monoclonaux consiste à utiliser différentes combinaisons d’anticorps monoclonaux ciblés sur différents antigènes.
Une autre approche de l’immunothérapie des métastases consiste à stimuler l’immunité cellulaire de l’hôte par des vaccins constitués de cellules tumorales isolées de néoplasmes primaires ou de métastases. L’hétérogénéité antigénique des cellules peuplant les métastases doit être prise en considération. La reconnaissance du fait que les tumeurs malignes primaires ne sont pas constituées d’entités uniformes mais contiennent des sous-populations de cellules aux propriétés biologiques diverses exige une réévaluation critique des approches thérapeutiques. Il existe une hétérogénéité entre les patients qui présentent la même maladie, et une hétérogénéité biologique entre les cellules qui peuplent une même tumeur. Cette complexité et cette diversité du cancer suggèrent que nous devons considérer chaque patient cancéreux comme présentant une maladie unique.
L’hétérogénéité biologique des tumeurs primaires et des métastases présente trois implications pour la thérapie. Premièrement, une thérapie ciblée nécessite une cible. Deuxièmement, une maladie hétérogène ne peut être traitée par une thérapie homogène. Troisièmement, une maladie chronique ne peut être traitée de manière aiguë. Une prise en compte sérieuse de ces principes devrait permettre de concevoir de meilleures thérapies pour la phase fatale des métastases du cancer.