Discussion
Les études qui ont montré une augmentation de la prévalence du diabète en Inde ont également rapporté une prévalence très élevée de diabète non diagnostiqué dans la communauté. Les personnes qui ne sont pas conscientes de leur état de santé ne sont pas traitées et ne présentent que des complications à un stade ultérieur. La maladie a tendance à progresser plus rapidement chez les personnes qui ne bénéficient pas d’une intervention appropriée. Il est donc nécessaire de les détecter précocement et de leur fournir le traitement nécessaire.
Les troubles du goût font partie intégrante de la présentation de plusieurs maladies. La perte du goût peut survenir dans des conditions physiologiques comme le vieillissement, la grossesse et la ménopause. Les patients souffrant de xérostomie, du syndrome de Sjögren et d’une carence en zinc présentent également une perte de goût. Les troubles hépatiques et rénaux, la DM, la dépression et les interventions chirurgicales au niveau de la chorde tympanique ou du nerf glossopharyngien sont d’autres causes possibles de perte de goût. Les patients souffrant de traumatisme crânien et d’épilepsie peuvent également présenter une perte de goût. De nombreux médicaments (méthotrexate, dexaméthasone, antihypertenseurs et agents antimicrobiens) ont été associés à la perte du goût.
Des troubles du goût ont été décrits dans le passé au cours du DM. Le Floch et al, en 1989 avaient évoqué la diminution de la capacité de l’individu diabétique à détecter et reconnaître les modalités gustatives primaires. Une étude indienne de 2012 évaluant 50 cas de DM avec des complications orales a trouvé une altération du goût dans 20% des cas. Une autre étude indienne a trouvé que l’altération du goût était plus fréquente chez les diabétiques non contrôlés que chez les diabétiques contrôlés. L’examen électrogustométrique de 73 patients de la République tchèque a montré qu’environ 40 % des diabétiques de type 2 présentent une hypogésie et 5 % une agésie. Une étude espagnole de 2009 a conclu que l’hyperglycémie induit une altération concentration-dépendante de la perception du goût sucré chez les patients diabétiques comme résultat d’une adaptation de la cellule sensorielle à des concentrations circulantes élevées de glucose.
Les patients atteints de DM nouvellement diagnostiqués ont une réponse gustative émoussée avec une préférence pour les aliments au goût sucré, qui est partiellement inversée après correction de l’hyperglycémie, et est indépendante de la fonction nerveuse somatique ou autonome. De nombreux mécanismes sont envisagés, mais on ne connaît toujours pas de cause spécifique à l’altération du sens du goût. On pense que chez les patients diabétiques présentant des complications, une neuropathie touchant les voies nerveuses gustatives et une microangiopathie touchant les bourgeons gustatifs peuvent être responsables de la diminution de la sensation gustative. Mais dans les cas de DM nouvellement diagnostiqués sans complications, des défauts dans le récepteur du goût peuvent être responsables.
La perturbation du goût est le plus souvent transitoire et n’apparaît pas souvent dans la pratique quotidienne. De plus, les patients n’associent pas la perturbation du goût à des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension. Dans notre cas, une perturbation du goût nous a permis de diagnostiquer un cas de diabète avant que les complications ne s’installent. Il est essentiel de demander spécifiquement aux patients s’ils ont des antécédents d’altération du goût lorsque d’autres facteurs de risque de diabète sont présents. Il est également important de prêter attention aux plaintes liées au goût par tout patient vigilant.
Le risque pour les patients indiens de contracter le diabète est évalué à l’aide du score indien de risque de diabète basé sur des facteurs tels que l’âge, l’obésité, l’inactivité physique, les antécédents familiaux de diabète, etc. Les modifications des seuils gustatifs dans le diabète de type 2, si elles sont systématiquement analysées et documentées, pourraient constituer un outil supplémentaire de diagnostic, de dépistage et de surveillance du diabète à l’avenir. Comme on l’a vu dans ce cas, l’altération du goût n’était présente qu’à certaines heures et non tout au long de la journée. Plutôt que d’être un indicateur de la durée ou des complications de la maladie, il pourrait être un indicateur des fluctuations de la glycémie. Les troubles du goût pourraient être un indicateur significatif du diabète chez les patients à risque.