Créateur du canal de Suez. Né à Versailles, dans une famille élevée à la noblesse en 1777, fils de Mathieu de Lesseps, consul de France, et neveu de Barthélemy de Lesseps, l’un des membres de l’expédition La Pérouse, puis consul général de France à Saint-Pétersbourg sous le Premier Empire. Ferdinand, qui a fait ses études au Collège Henri-IV puis des études de droit, embrasse à son tour la carrière diplomatique. Il est nommé vice-consul à Alexandrie en 1832 et consul au Caire l’année suivante.
Durant cette première période de résidence en Égypte, Ferdinand de Lesseps lit la Description de l’Égypte de l’ingénieur Le Père, qui avait accompagné Bonaparte dans sa campagne dans ce pays. En regardant les projets de construction de Le Père, de Lesseps est inspiré par l’idée d’un canal reliant la Méditerranée et la mer Rouge.
Mais il est ensuite nommé consul à Rotterdam, puis à Barcelone, où la protection qu’il assure aux civils lors du soulèvement de 1842 lui vaut le cordon d’officier de la Légion d’honneur. En 1848, de Lesseps est nommé ministre de France à Madrid par Lamartine.
L’année suivante, il est envoyé à Rome pour négocier un accord entre les dirigeants de la République romaine et les troupes françaises du général Oudinot. Mais le Corps législatif ordonne la suppression de la République romaine et de Lesseps est brusquement répudié et rappelé, sa carrière de diplomate semblant en ruine. Il se retire de la vie publique pour vivre une semi-retraite dans l’Indre pendant près de cinq ans.
En 1854, apprenant l’accession de Mohammed Saïd, un de ses vieux amis, au poste de vice-roi d’Égypte, il se hâte au Caire et obtient du nouveau souverain « le pouvoir de fonder et de diriger une société universelle pour le creusement d’un canal à travers l’isthme de Suez et l’aménagement opérationnel d’un canal entre les deux mers ».
Ceci à condition qu’il soit approuvé par le sultan de Constantinople, souverain de fait de l’Égypte. Le projet fut soumis et approuvé par une commission scientifique internationale, et les travaux d’exploration préparatoires commencèrent immédiatement. Cependant, le projet se heurta à de graves difficultés, principalement d’ordre diplomatique.
D’abord à Constantinople, où de Lesseps tenta en vain d’obtenir l’approbation du gouvernement ottoman en 1855, sans doute en raison de l’attitude des Anglais qui craignaient que les Français ne menacent la route commerciale des Indes orientales. De Lesseps part alors pour l’Angleterre où, faute de pouvoir influencer le Premier ministre Palmerston, il entreprend de rallier les chambres de commerce. En 1858, une introduction en bourse lui permet de réunir cent millions de francs auprès de 20 000 investisseurs, principalement français, sans l’appui des grandes banques. Il fonde ainsi la Compagnie universelle du canal maritime de Suez. Mais même une fois les travaux de creusement du canal commencés, la polémique continue.
La presse britannique dénonce la corvée qui fournit la main-d’œuvre nécessaire. En 1863, Saïd meurt et est remplacé par Ismail qui ordonne l’arrêt des travaux l’année suivante. Malgré l’Angleterre, le gouvernement ottoman, le vice-roi et la compagnie du canal font appel à Napoléon III comme arbitre pour régler leurs différends. Morny s’oppose à de Lesseps qui peut néanmoins compter sur le soutien de l’impératrice Eugénie, sa cousine germaine. Le verdict rendu par l’Empereur le 6 juillet 1864 permet d’assurer l’avenir de la Compagnie. Pour compenser l’abolition des travaux forcés, on fait venir des ouvriers d’Europe et, surtout, on utilise des matériaux modernes pour creuser le canal.
De nouvelles émissions de titres permettent de poursuivre les travaux, après qu’ils aient été ralentis par une épidémie de choléra. Enfin, le sultan de Constantinople émet le firman sanctionnant la société en 1865, et l’année suivante, la Grande-Bretagne accepte de reconnaître officiellement son existence.
Les travaux furent achevés avec succès en 1869. Les eaux de la Méditerranée et de la mer Rouge furent réunies le 15 août, et le 17 novembre, le canal fut officiellement inauguré lors d’une magnifique cérémonie en présence de nombreux dirigeants du monde entier. En tête de la flottille se trouvait l’Aigle portant les couleurs de la France. À ses côtés, l’impératrice Eugénie accompagne Ferdinand de Lesseps, président de la Compagnie du canal de Suez, qui savoure son triomphe. C’est en effet grâce à son énergie, son dynamisme, ses talents de négociateur et sa capacité à trouver les appuis nécessaires pour surmonter toutes les oppositions que cette grande œuvre a été accomplie. Lorsque la guerre de 1870 éclate, de Lesseps est à Londres où il est reçu par la reine Victoria.
Sous la Troisième République, il devient « le Grand Français », « l’homme le plus célèbre du monde ». Son intérêt se tourne vers l’exploration de l’Afrique et, entre autres, vers les expéditions de Savorgnan de Brazza. En 1884, il est élu à l’Académie française. Il joue un rôle actif dans la réussite de la Compagnie du canal de Suez, par exemple lorsque l’Angleterre rachète les actions de la compagnie détenues par Ismail en 1879, ou lors de la révolte d’Arabi Pacha en 1882, et parvient à conclure un accord entre la Compagnie et les armateurs britanniques sur les tarifs de passage du canal. Cependant, en 1878, en obtenant une concession du gouvernement colombien pour construire le canal de Panama, il se lance dans une nouvelle entreprise à haut risque.
Les difficultés géographiques et financières ainsi que l’opposition des États-Unis entraînent l’échec du projet, qui se solde par un grave scandale politique et financier (1888-1892). Ferdinand, condamné à cinq ans de prison en 1893, meurt l’année suivante, dix ans avant l’ouverture du canal de Panama sous l’égide des États-Unis.
Alain Plessis