Lafarge, Marie (1816-1852)

Mmeurtrière française. Née Marie Fortunée Cappelle à Paris, France, en 1816 ; morte à Ussat, France, en 1852 ; aînée des deux filles du colonel Cappelle (officier d’artillerie dans l’armée de Napoléon) ; a fréquenté l’école du couvent de Saint-Denis ; a épousé Charles Lafarge (un fabricant de fer), en 1839 (décédé, janvier 1840) ; pas d’enfant.

Personnage central de l’une des affaires de meurtre les plus notoires de France, Marie Lafarge, 24 ans, a été condamnée pour avoir empoisonné lentement son mari à mort avec de l’arsenic. Belle femme cultivée qui jouait du piano et écrivait de la poésie, Madame Lafarge semblait plus une héroïne romantique qu’une meurtrière au sang froid, et son procès, qui s’est déroulé pendant l’été 1840, a été l’un des plus sensationnels du siècle.

Née Marie Fortunée Cappelle à Paris en 1816, Lafarge était la fille d’un officier d’artillerie qui avait servi dans l’armée de Napoléon. Du côté maternel, sa lignée remonte à la famille royale régnante, sa grand-mère étant la fille du père du roi, Philippe-Égalité, et de sa maîtresse, la comtesse Stéphanie-Félicité de Genlis. Dans ses mémoires, publiées après son procès, Marie soutient que son enfance a été malheureuse, bien qu’elle ait peut-être exagéré les faits. Elle prétend que son père voulait un garçon et qu’il était déçu par elle, et que sa jeune sœur, née lorsque Marie avait cinq ans, était considérée comme plus jolie et plus attachante. Le père de Marie est mort quand elle avait 12 ans, et sa mère, qui s’est remariée, est morte en 1835.

Après le décès de sa mère, Marie a été envoyée chez la sœur de sa mère, l’épouse du secrétaire général de la Banque de France. Bien qu’elle soit bien traitée, son statut est réduit à celui d’une « cousine pauvre » et elle est considérée comme un handicap au mariage. Dans l’espoir d’améliorer ses chances de trouver un mari, un de ses oncles fait appel aux services d’une agence matrimoniale. En peu de temps, ils trouvent un candidat apparemment convenable en la personne de Charles Lafarge, un riche fabricant de fer au pedigree impeccable et possédant un domaine considérable dans le sud de la France, au Glandier. On ignore cependant à l’époque que Charles est un veuf qui a épousé son ancienne femme pour sa dot ; il espérait ainsi financer un nouveau procédé de fonte qu’il avait mis au point. Marie ne l’aime pas beaucoup, mais ses sentiments importent peu. Après la rencontre « fortuite » arrangée avec Charles à l’opéra, elle le déclara rustre et laid, mais quelques jours plus tard, sa tante avait publié les bans de mariage, et quelques semaines plus tard, à la fin de l’été 1839, l’infortunée Marie se retrouva mariée et en route pour Le Glandier.

Marie était à la fois terrifiée par la perspective d’une intimité avec Charles, qu’elle considérait toujours comme un étranger, et désillusionnée par ce qu’elle trouva dans sa nouvelle maison. Le domaine était complètement délabré, et elle avait l’impression que ses nouveaux beaux-parents, la mère et la sœur de Charles, n’étaient pas très accueillants. En outre, l’usine sidérurgique est en faillite. Lors de sa première nuit au Glandier, Marie, désespérée, s’enferme dans sa chambre et compose une lettre à Charles dans laquelle elle professe son amour pour un autre homme qui, selon elle, les a suivis depuis Paris. Elle menace soit de s’empoisonner avec de l’arsenic, soit de partir immédiatement pour Bordeaux afin de prendre un bateau pour Smyrne. « Épargnez-moi, soyez l’ange gardien d’une pauvre orpheline, ou, si vous le voulez, tuez-moi, et dites que je me suis tuée », écrit-elle. Plus tard dans la nuit, cependant, Marie est cajolée par sa belle-mère pour admettre la ruse et décide à contrecœur de donner une chance au mariage. Charles a accepté de reporter ses « privilèges maritaux » jusqu’à ce qu’il ait remis la maison en état et récupéré ses affaires.

Les choses se seraient améliorées entre le couple au cours des semaines suivantes. Charles a tenu parole, prenant des dispositions pour commencer les rénovations du manoir Lafarge et demandant un prêt pour consolider l’usine sidérurgique. Pour apaiser davantage sa jeune épouse, il lui offre des abonnements à des magazines et à des journaux, ainsi qu’une adhésion à la bibliothèque de prêt locale, afin qu’elle puisse poursuivre ses intérêts intellectuels. À grands frais, il fait également venir de Paris le piano de Marie et lui procure un cheval arabe pour qu’elle puisse monter. Marie, pour sa part, assume sa position de maîtresse de maison et commence à formuler des plans pour transformer les intérieurs rustiques du Glandier en quelque chose de plus élégant. L’un de ses premiers ordres, cependant, fut de demander une provision d’arsenic au pharmacien local, pour débarrasser l’endroit des rats.

En janvier 1840, moins d’un an après le mariage, Charles rentra d’un long voyage d’affaires avec une maladie intestinale qui, selon lui, avait commencé à la mi-décembre, peu après avoir reçu un gâteau envoyé par sa femme. Il se met immédiatement au lit mais continue à subir des crises de crampes, de nausées et de vomissements. Marie s’est consacrée aux soins de son mari, lui donnant à manger et à boire, et essayant de le rendre confortable. Cependant, son état se détériore et les amis et les parents commencent à soupçonner Marie. Un visiteur prétend l’avoir vue mélanger une poudre blanche dans une boisson destinée à son mari, bien que Marie ait insisté sur le fait qu’il s’agissait simplement de gomme arabique, qui était couramment utilisée à l’époque pour les problèmes d’estomac. L’état de Charles s’aggravant, la belle-mère de Marie est allée jusqu’à faire analyser les restes d’un verre de lait de poule par un pharmacien local, qui a effectivement trouvé des traces d’arsenic. Marie n’a plus accès à Charles, mais il est trop tard : il meurt le 14 janvier 1840, le lendemain du test à l’arsenic. La famille exige immédiatement une enquête et, en peu de temps, Marie est accusée de meurtre et emmenée à la prison de Brive, où elle continue de clamer son innocence.

En attendant, la tante de Marie s’assure les services du meilleur avocat de Paris, Alphonse Paillet, qui avec ses associés, Charles Lachaud et Théodore Bac, entreprend de préparer la défense de Lafarge. Presque immédiatement, l’affaire est compliquée par une accusation de vol portée contre Lafarge par son amie Marie de Nicolai (Mme de Léautaud), qui a découvert la disparition de son collier de diamants après la visite de Marie l’été précédent. Lorsqu’une perquisition au Glandier permet de retrouver le collier, Marie nie catégoriquement l’avoir pris, affirmant que Marie de Nicolai était victime d’un chantage de la part d’un ancien amant et qu’elle lui avait donné le collier pour qu’elle le mette en gage en échange de l’argent. Interrogée sur la raison pour laquelle elle avait encore le collier, Marie Lafarge a affirmé qu’après avoir découvert que le maître-chanteur n’était plus une menace, de Nicolai, en guise de remerciement, lui avait fait cadeau du collier. L’affaire de vol est jugée par le tribunal correctionnel de Brive en juillet 1840, date à laquelle Lafarge est reconnue coupable et condamnée à deux ans de prison.

En attendant son procès pour meurtre, Marie Lafarge devient une cause célèbre, captant l’attention des citoyens français, divisés en camps pro et anti-Marie. La prisonnière a reçu quelque 6 000 lettres, dont la plupart exprimaient son soutien. Nombre d’entre elles émanaient de messieurs fortunés, qui lui proposaient un mariage ou, à tout le moins, une aide financière pour sa défense. Elle reçoit également des notes sympathiques de jeunes femmes, qui lui envoient souvent des livres et des fleurs en cadeau. Marie perpétue son image romantique, répondant à autant de lettres que possible et se qualifiant de « pauvre calomniée ». Elle s’engage également dans une correspondance amoureuse avec son avocat Charles Lachaud, alors âgé de 22 ans seulement, mais destiné à devenir l’un des avocats les plus respectés de France. Lachaud, selon son biographe, était convaincu de l’innocence de sa cliente et ne s’est jamais remis de sa condamnation.

Malgré les meilleurs efforts de ses avocats pour défendre Lafarge, l’accusation a présenté le dossier le plus convaincant, bien que la plupart de leurs preuves soient circonstancielles. Ils ont d’abord cité son mariage désastreux, en présentant comme preuve la lettre qu’elle a écrite à Charles lors de sa première nuit au domaine du Glandier, dans laquelle elle mentionne un autre amant et ses projets de quitter Charles ou de se tuer. Ils ont mis en avant sa demande d’arsenic au pharmacien pour tuer les rats de la maison, et la substitution ultérieure de bicarbonate de soude à l’arsenic dans la pâte préparée pour les rats. Ils ont présenté l’échange d’un gros gâteau contenant de l’arsenic contre des petits dans un paquet de Noël envoyé à son mari pendant qu’il était en voyage d’affaires, et le dosage continu de sa nourriture et de ses boissons avec de la poudre d’arsenic (conservée dans un pilulier dans la poche de son tablier), après son retour à la maison. Ils terminent leur exposé par le rapport concluant du célèbre chimiste Mateo Orfila, qui affirme sans équivoque la présence d’arsenic dans le corps de Charles. Avec cet ultime coup de massue, Marie Lafarge, qui avait gardé son sang-froid pendant les deux semaines d’épreuve, s’effondre en larmes, sachant qu’il n’y a plus d’espoir pour son acquittement.

En tant que criminelle féminine « respectable », Lafarge est épargnée du pilori public et des travaux forcés. Elle est emprisonnée à Montpellier, où, en attendant son appel, elle écrit deux volumes de mémoires. Lorsque son appel échoue, elle écrit une série d’articles qui seront publiés après sa mort sous le titre Prison Hours. Le culte qui s’est développé autour de Marie Lafarge s’estompe peu à peu, et elle reste une femme oubliée. En 1851, elle est retirée à l’hôpital de la prison, atteinte de tuberculose. Suite à un plaidoyer de ses médecins auprès de Napoléon III, elle est libérée au début de l’année 1852 et transportée dans une station thermale à Ussat par un grand-oncle fidèle et sa fille. Elle y meurt quelques mois plus tard, jurant son innocence jusqu’au bout.