La cervicite à Chlamydia peut-elle influencer le diagnostic de la vaginose bactérienne ?

Dans l’article intitulé « Evaluation of a Point-of-Care Test, BVBlue, and Clinical and Laboratory Criteria for Diagnosis of Bacterial Vaginosis », par Bradshaw et al, publiés dans le numéro de mars 2005 du Journal of Clinical Microbiology (2), les auteurs ont conclu qu’étant donné que la majorité des femmes exposées à un risque accru de séquelles de vaginose bactérienne (VB) ne se trouvent pas dans des environnements où les méthodes de diagnostic conventionnelles sont pratiques ou possibles, elles bénéficieraient grandement de l’accès à des tests rapides et fiables au point de service pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de la VB. Cette conclusion est basée sur l’analyse des résultats de plusieurs critères cliniques (Amsel ) et de laboratoire (Nugent ) recommandés en routine pour le diagnostic de la VB avec les résultats des tests rapides. À notre avis, cette conclusion ne s’applique pas aux femmes atteintes de cervicite à chlamydia. L’utilisation simultanée des critères de Nugent et d’Amsel semble être importante pour le diagnostic correct de la VB dans ce groupe de patientes.

Pour estimer la prévalence de la VB selon les critères d’Amsel et de Nugent, nous avons étudié un groupe de 60 femmes non enceintes (âge moyen, 31,7 ± 6,82 ans) suspectées de cervicite. Les patientes atteintes de Neisseria gonorrhoeae, Trichomonas vaginalis, d’une infection à levures et d’une infection par le virus de l’immunodéficience humaine ont été exclues de cette étude. Le pH vaginal a été mesuré à l’aide de bandes colorées. Trois cotons-tiges stériles (le premier pour la coloration de Gram, le second pour le test KOH et le troisième pour la culture des mycoplasmes génitaux) ont été utilisés pour prélever du matériel dans le fornix vaginal postérieur, et un coton-tige Dacron a été utilisé pour prélever du matériel dans le canal endocervical pour la détection de l’antigène de Chlamydia trachomatis par Chlamydia Direct IF (bioMerieux) (3). Les évaluations du frottis vaginal à coloration de Gram et des autres critères ont été réalisées par des personnes ayant plus de 5 ans d’expérience.

C. trachomatis a été confirmée dans 31 (51,6%) cas, et les mycoplasmes génitaux ont été mis en culture dans 17 (28,3%) cas. La VB a été diagnostiquée chez 14 (23,4 %) des 60 femmes examinées sur la base de trois ou quatre critères d’Amsel (pH ≥4,5, pertes laiteuses fines et homogènes, présence de  » cellules d’indice  » et odeur d’amine lors du mélange du fluide vaginal avec 10 % de KOH) et a été diagnostiquée chez six d’entre elles (10 %) selon les scores de Nugent (0 à 3, négatif ; 4 à 6, intermédiaire ; 7 à 10, positif) (1, 6) (tableau 1). Chez cinq des huit femmes restantes ayant un score d’Amsel positif et un score de Nugent négatif, on a observé une coinfection par C. trachomatis (tableau 2). Il est intéressant de noter que trois ou quatre critères d’Amsel étaient positifs chez 57,1 % des patientes ayant un score de Nugent intermédiaire et chez 8,5 % de celles ayant un score de Nugent négatif. La VB a été diagnostiquée par les critères d’Amsel dans quatre cas sur 47 femmes présentant une flore normale (score de Nugent, 0 à 3). Dans les quatre cas, on a détecté une coinfection avec C. trachomatis (dans un cas, également avec des mycoplasmes génitaux) et l’absence de « cellules indicatrices », bien que trois autres critères d’Amsel aient été positifs (tableau 2). Les résultats négatifs d’Amsel (basés sur des critères d’Amsel positifs autres que les « clue cells ») résultent très souvent de saignements de contact et de la présence de contenus mucopurulents du col de l’utérus, notamment lors d’une infection à chlamydia ou à mycoplasme. C’est pourquoi l’observation des « clue cells » doit, à notre avis, être la caractéristique principale lorsque les critères d’Amsel sont utilisés. Ceci est confirmé par l’observation suivante : parmi sept femmes ayant un score de Nugent intermédiaire, dans quatre cas la VB a été diagnostiquée en utilisant les critères d’Amsel, dans trois cas la présence de « cellules indicatrices » a été trouvée, et dans un cas une coinfection avec C. trachomatis a été trouvée. Les scores intermédiaires de Nugent sont signalés par de nombreux auteurs comme une flore vaginale anormale et s’accompagnent très souvent de la présence de « cellules indices » (2, 6).

C’est un fait bien connu que les pertes vaginales anormales sont un symptôme de nombreux processus pathologiques différents dans les voies génitales des femmes. Le changement (augmentation) du pH vaginal peut suivre pour de nombreuses raisons, notamment avec une infection à chlamydia (4, 5, 7), la présence d’une ectopie cervicale, des saignements de contact, et autres.

En tenant compte du fait que la cervicite à chlamydia peut influencer les critères d’Amsel, éviter les résultats faussement positifs et diagnostiquer correctement la VB en utilisant simultanément les critères de Nugent et d’Amsel (principalement les « cellules indicatrices ») est important pour les patientes atteintes de cervicite.

Voir ce tableau:

  • Voir en ligne
  • Voir en popup
TABLEAU 1.

Données cliniques et de laboratoire des femmes étudiées

Afficher ce tableau:

  • View inline
  • View popup
TABLEAU 2.

Caractéristiques de 14 femmes atteintes de VB, selon les critères d’Amsel

  • Copyright © 2005 American Society for Microbiology
  1. 1.↵
    Amsel, R., P. A. Totten, C. A. Spiegel, K. C. Chen, D. Eschenbach, et K. K. Holmes.1983. Nonspecific vaginitis. Diagnostic criteria and microbial and epidemiologic association. Am. J. Med.74:14-22.

  2. 2.↵
    Bradshaw, C. S., A. N. Morton, S. M. Garland, L. B. Horvath, I. Kuzevska, et C. K. Fairley.2005. Evaluation of point-of-care test, BVBlue, and clinical and laboratory criteria for diagnosis of bacterial vaginosis. J. Clin. Microbiol.43:1304-1308.

  3. 3.↵
    Friedek, D., A. Ekiel, Z. Chelmicki, et M. Romanik.2004. Infections à HPV, Chlamydia trachomatis et mycoplasmes génitaux chez les femmes présentant des lésions malpighiennes intraépithéliales de bas grade (LSIL). Ginekol. Pol.75:457-463.

  4. 4.↵
    Hay, P. E., R. F. Lamont, D. Taylor-Robinson, D. J. Morgan, C. Ison, et J. Pearson.1994. Colonisation anormale du tractus génital et accouchement prématuré et fausse couche tardive ultérieurs. Br. Med. J.308:295-298.

  5. 5.↵
    Hillier, S. L.1993. Microbiologie diagnostique de la vaginose bactérienne. Am. J. Obstet. Gynecol.169:455-459.

  6. 6.↵
    Nugent, R. P., M. A. Krohn, et S. L. Hiller.1991. La fiabilité du diagnostic de la vaginose bactérienne est améliorée par une méthode standardisée d’interprétation des colorations de Gram. J. Clin. Microbiol.29:297-301.

  7. 7.↵
    Romanik, M., et G. Martirosian.2004. Fréquence, critères diagnostiques et conséquences de la vaginose bactérienne chez les femmes enceintes. Przegl. Epidemiol.58:547-553.

.