Les longues phrases ?

Vraiment ? !?

Oui, les longues phrases peuvent ajouter de la puissance poétique et du rythme à vos écrits – à condition que vous sachiez en écrire une bonne, sans vous essouffler.

Bien sûr, les phrases courtes sont plus faciles à gober pour les lecteurs.

Mais cela ne signifie pas que les longues phrases doivent être bannies.

Les recherches sur la lisibilité suggèrent que les longues phrases sont correctes, à condition de les mélanger avec des phrases plus courtes.

Truc n°1 : Quelle est l’idée ?

Les longues phrases ont mauvaise réputation.

Parce que de nombreux écrivains abusent des longues phrases, entassant trop de pensées dans chaque phrase, brouillant leur message et laissant les lecteurs confus.

Donc, la principale astuce pour composer une belle longue phrase est de communiquer une seule idée avec clarté.

Il y a quelques semaines, j’ai lu There There de Tommy Orange. Le New York Times l’a désigné comme l’un des dix meilleurs romans de 2018. C’est un roman ambitieux sur l’identité et sur la vie urbaine des Amérindiens.

Tommy Orange est un maître des phrases poétiques :

Il est important qu’il s’habille comme un Indien, qu’il danse comme un Indien, même si c’est un acte, même s’il se sent comme un imposteur tout le temps, parce que la seule façon d’être Indien dans ce monde est de ressembler et d’agir comme un Indien.

La phrase ci-dessus contient 46 mots. Malgré ce nombre élevé de mots, elle est facile à lire parce que la phrase démarre avec le noyau de la phrase:

Il est important qu’il s’habille comme un Indien

Puis, la phrase se ramifie vers la fin, mais en restant toujours dans le sujet.

Trick #2 : Comment commencer une belle longue phrase

Chaque phrase a un noyau. Ce noyau donne aux lecteurs un sens rapide de qui et de quoi parle une phrase, comme par exemple :

• L’écrivain se débat
• La fille crie
• Le train émerge
• La phrase devient difficile

Pour rendre une longue phrase facile à lire, mettez tout le noyau de votre phrase au début, ou près du début.

Notez comment cette phrase est difficile à lire parce que le noyau est morcelé:

Une longue phrase, dans laquelle l’auteur retarde le noyau au milieu de la phrase ou dans laquelle le noyau est morcelé de sorte que les lecteurs doivent se rappeler comment la phrase a commencé, est plus difficile à lire.

Cette version met en évidence le noyau:

Une longue phrase, dans laquelle l’auteur retarde le noyau au milieu de la phrase ou dans laquelle le noyau est brisé de sorte que les lecteurs doivent se rappeler comment la phrase a commencé, est plus difficile à lire.

Et voici la variante plus facile avec le noyau entier au début:

Une longue phrase devient difficile à lire quand on retarde le noyau jusqu’au milieu de la phrase ou quand on le fragmente. Un noyau brisé oblige les lecteurs à se rappeler comment la phrase a commencé, ce qui rend difficile la compréhension de la structure.

Poser le noyau au début est une astuce simple pour aider les lecteurs à dévorer de longues phrases sans s’essouffler.

Les phrases à ramification gauche ou droite

Une longue phrase qui commence par son noyau est appelée une phrase à ramification droite.

Pourquoi?

Imaginez la phrase entière sur une ligne. Le noyau de la phrase est au début et il se ramifie vers la droite.

Comme Roy Peter Clark le mentionne dans son excellent livre Murder Your Darlings, une phrase à ramification droite semble plus naturelle et conversationnelle qu’une phrase à ramification gauche. Dans une phrase à branchement gauche, le noyau est à la fin. Voici un exemple de phrase à ramification gauche:

Après avoir lu un article de blog sur l’écriture de longues phrases, quand elle a enfin compris la différence entre les phrases à ramification gauche et à ramification droite, et après avoir appris combien il est compliqué de lire une phrase où le noyau est brisé, et après avoir apprécié le rythme d’une bonne écriture, Henrietta a commencé à écrire des phrases éblouissantes et ses mots ont commencé à chanter.

Le noyau de la phrase ci-dessus est : Henrietta s’est mise à écrire des phrases éblouissantes et ses mots se sont mis à chanter.

Une phrase à ramification gauche est plus difficile à comprendre qu’une phrase à ramification droite. On a l’impression que c’est un peu artificiel et encombrant – comme si l’écrivain voulait impressionner ses lecteurs avec ses capacités d’écriture.

Donc, si vous voulez ravir vos lecteurs avec un style d’écriture naturel, ne brisez pas le cœur de votre phrase et tenez-vous-en aux longues phrases à ramification droite – commencez par le cœur.

Il y a de la poésie dans les phrases longues

Comme un poème, une phrase longue emmène les lecteurs dans un minuscule voyage, décrivant une pensée, un sentiment, une scène évocatrice.

Vous apprécierez davantage une phrase longue lorsque vous la lirez à haute voix, en savourant son rythme. Voici un autre exemple tiré de There There – je l’ai écrit sous forme de vers :

Le train émerge,
s’élève hors du tube souterrain
dans le quartier de Fruitvale,
au-dessus de ce Burger King
et de l’horrible endroit à pho,
où la douzième Est et International se confondent presque,
où les murs d’appartements graffités
et les maisons abandonnées, les entrepôts,
et les ateliers de carrosserie automobile apparaissent,
fleurent la fenêtre du train,
résistent obstinément comme un poids mort
tout le nouveau développement d’Oakland.

La phrase ci-dessus décrit une scène : comment un train émerge dans un quartier de ville brut, appauvri. La somme des murs d’appartements graffités, des maisons abandonnées, des entrepôts et des ateliers de carrosserie vous donne une idée de la vie urbaine surpeuplée.

Notez comment la phrase commence par son noyau (le train émerge), puis serpente à travers les bâtiments rugueux, et se termine par un coup : résister obstinément comme un poids mort à tout le nouveau développement d’Oakland.

Comme en poésie, les lignes de début et de fin d’une longue phrase sont les plus importantes. Voici un exemple encore meilleur, montrant le chaos et la puissance des souvenirs :

Nous sommes les souvenirs
que nous ne nous rappelons pas,
qui vivent en nous,
que nous ressentons,
qui nous font chanter
et danser
et prier comme nous le faisons,
des sentiments issus de souvenirs
qui éclatent et fleurissent
inattendus dans nos vies
comme le sang à travers une couverture
d’une blessure faite par une balle
tirée par un homme qui nous tire
dans le dos pour nos cheveux,
pour nos têtes,
pour une prime,
ou juste pour se débarrasser de nous.

Les longues phrases mal écrites traînent en longueur, mais les belles phrases longues ont de l’énergie, propulsant les lecteurs du début vers la fin. En tant que lecteur, vous ressentez un sentiment d’anticipation voulant savoir ce qui va suivre.

Des outils comme l’application Hemingway encouragent les utilisateurs à hacher toutes les longues phrases

Mais une application n’entend pas le rythme d’une phrase, comme les humains.

Et une application ne comprend pas l’émotion intense d’une longue phrase. Elle ne comprend pas comment une longue phrase stimule les lecteurs vers le dernier mot, puis vers la phrase suivante.

Bien sûr, il y a une différence entre être absorbé par un roman, comme There There, et lire en ligne.

Les lecteurs en ligne sont souvent pressés, et ils sont facilement distraits. Donc, choisissez soigneusement où placer les longues phrases. Surtout au début d’un article de blog, gardez vos phrases courtes.

Une fois que vous avez captivé les lecteurs, expérimentez avec quelques phrases plus longues. Lisez à haute voix pour entendre le rythme et faites attention à l’aspect de la phrase à l’écran – les gros blocs de textes peuvent rebuter les lecteurs. N’en faites donc pas trop.

Vous êtes l’écrivain, vous êtes aux commandes

N’écrivez pas une longue phrase pour montrer votre maîtrise de la grammaire.

N’écrivez pas une longue phrase pour impressionner vos lecteurs.

Au contraire, écrivez une longue phrase pour exprimer une idée avec puissance et rythme.

Soyez enchanteur.

Une longue phrase (…) peut mettre un peu le lecteur sur les nerfs, tant que cela n’est pas ressenti comme son point principal, tant qu’on a l’impression que la phrase n’a pas d’autre arrière-pensée que de se donner à vivre. C’est ce que les scores de lisibilité ne vous diront jamais. Ils ne traitent que de la facilité de lecture, et non des plaisirs plus noueux et exigeants de l’attente et de la surprise, de la manière taquine dont les longues phrases suspendent le moment de la fermeture.
~ Joe Moran

6 autres exemples de longues phrases

Du Deacon King Kong de James McBride :

Il atterrit sur le dos sur le béton, tousse plusieurs fois, puis roule sur le ventre et commence à s’étouffer, essayant désespérément de se relever à quatre pattes alors que les garçons stupéfaits autour de lui se dispersent et que la place s’effondre dans le chaos, les prospectus tombant au sol, des mères poussant des landaus au sprint, un homme en fauteuil roulant passant en trombe, des gens courant avec des caddies et laissant tomber leurs sacs d’épicerie dans la panique, une foule de piétons fuyant avec terreur à travers les prospectus volants qui semblaient être partout.

Et :

Vous avez vécu une vie de déception et de souffrance, d’étés trop chauds et d’hivers trop froids, survivant dans des appartements avec des poêles minables qui ne fonctionnaient pas et des fenêtres qui ne s’ouvraient pas et des toilettes qui ne tiraient pas la chasse et de la peinture au plomb qui mouchetait les murs et empoisonnait vos enfants, vivant dans des appartements horribles et lugubres construits pour loger les Italiens venus en Amérique pour travailler sur les docks, qui s’étaient vidés de leurs bateaux, de leurs navires, de leurs pétroliers, de leurs rêves, de leur argent et de leurs opportunités dès l’arrivée des gens de couleur et des Latinos.

Dans 10 minutes 38 secondes dans ce monde étrange par Elif Shafak :

Des jeunes femmes en mini-jupes se promenaient bras dessus bras dessous ; des automobilistes les chahutaient par la fenêtre de leur voiture ; des apprentis cafetiers se précipitaient de part et d’autre, portant des plateaux à thé chargés de petits verres ; des touristes courbés sous le poids de leur sac à dos regardaient autour d’eux comme s’ils étaient nouvellement réveillés ; des cireurs de chaussures faisaient cliqueter leurs pinceaux contre leurs boîtes en laiton, décorées de photos d’actrices – modestes au recto, nues au verso.

Par Nick Cave, extrait de The Red Hand Files #3 :

Mais vous écrivez quand même, parce qu’au fil des ans, vous avez appris – au milieu des hiéroglyphes insensés que vous griffonnez compulsivement dans vos carnets, des lignes uniques stupides qui vous fixent avec mépris, des titres de chansons qui vous excitent puis perdent leur magie la prochaine fois que vous les regardez, les idées à moitié cuites et dérivées, les lignes volées, les gribouillis freudiens, les métaphores désespérément surajoutées et les tentatives lunatiques, à coups de crayon, de la dernière chance pour quelque chose, mon Dieu, n’importe quoi, que vous avez appris à tenir ferme et à faire confiance.

Par James Rebanks, tiré de Pastorale anglaise:

Avec le recul, je peux voir que notre ferme était pleine d’animaux et de lieux qui défiaient les meilleurs efforts de mon père et de mon grand-père pour les apprivoiser : la cour pleine de vieilles machines, avec des orties jusqu’à la poitrine ; des forêts d’épines enchevêtrées, comme celles qui poussent autour des châteaux dans les contes de fées, dans la carrière abandonnée près de la route, où les bouvreuils chantaient depuis les fourrés, leurs poitrines en tonneau d’une couleur prune brillante ; les troncs d’arbres pourris en haut de la cour qui n’avaient jamais été arrachés, et qui étaient maintenant effrités et pleins de nids de fourmis rouges ; les bords du terrain communal où paissaient les vaches, dépenaillés et à moitié sauvages ; et même les champs d’orge et d’avoine étaient mouchetés de coquelicots et de mauvaises herbes, les pâturages étaient pleins de chardons, et les prairies de fauche, à la fin juin, étaient pleines de fleurs sauvages.

Et dans son livre The Offing, Benjamin Myers écrit qu’il a observé des jeunes femmes à la plage dans le nord de l’Angleterre, juste après la Seconde Guerre mondiale. Notez comment la phrase se termine par une forte imagerie sensorielle des odeurs de tabac, d’huile pour cheveux, de dents en décomposition et de manteaux de laine humides :

Au fil du temps, elles quittaient leurs divers états de repos pour rentrer chez elles – à l’usine, peut-être, ou à l’école de secrétariat ; chez des pères autoritaires, des petits amis errants ou des fiancés qui parlent vite, et puis, peut-être, chez des maris mornes ; aux quarts de travail sans soleil derrière les bureaux ou sur les planchers d’usine ; aux jours d’automne qui raccourcissent et aux longues nuits d’hiver dans les salles de danse et les cafés aux fenêtres embuées et à la puanteur persistante de la fumée de tabac, de l’huile pour les cheveux, des dents anglaises pourries et des manteaux de laine humides.

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