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1Berceuses et comptines. Jeux et vers d’enfants ; chansons d’action sud-soudanaises.

  • 1 Bien que voir Tucker 1933 ; Griaule 1938a : 205-75 ; Adam 1940 : 131-4 ; Gbadamosi et Beier 1959 : 53-8 ; Bé (…)
  • 2 Il est presque certain que l’on peut trouver d’autres matériaux qui, jusqu’à présent, n’ont eu qu’une diffusion locale, par exemple (…)

2Les vers d’enfants en Afrique n’ont pas fait l’objet d’un intérêt systématique et, bien que des cas isolés aient été enregistrés, cela a été fait sans aucune discussion du contexte ou de la signification locale1. Sur la base des données publiées, il n’est pas clair, par exemple, dans quelle mesure l’absence antérieure d’un corps distinct d’écoliers dans la plupart des sociétés africaines a affecté la spécificité des vers d’enfants par rapport à ceux d’autres groupes, ou dans quelle mesure les compositions orales actuellement en cours dans le nombre croissant d’écoles correspondent à des phénomènes similaires enregistrés ailleurs. Néanmoins, certaines remarques sur ce que l’on sait se produire en Afrique peuvent être pertinentes ici, notamment si ses lacunes provoquent d’autres recherches ou synthèses.2 J’aborderai d’abord les berceuses (et autres chansons conçues pour les enfants mais principalement transmises par les adultes) et ensuite les comptines et les chansons qui tendent à s’adresser à un groupe d’âge légèrement plus élevé et sont considérées comme appartenant aux enfants eux-mêmes dans leur propre jeu.

I

3Les berceuses fournissent un bon exemple de la manière dont ce que l’on pourrait attendre comme étant une expression simple, « naturelle » et spontanée de sentiments dans toutes les sociétés – une mère chantant pour son enfant – est en fait gouverné par des conventions et affecté par la constitution particulière de la société.

4Un facteur majeur est la question de savoir qui a la responsabilité principale de s’occuper d’un enfant. Chez les Ngoni, par exemple, une sorte de groupe de classe supérieure au Malawi, il y avait peu de berceuses : la plupart des femmes Ngoni employaient des nourrices d’autres groupes pour s’occuper de leurs enfants. Il en va de même chez les Nyoro d’Ouganda, qui sont conscients de leur rang. Là, cependant, les infirmières chantaient couramment leurs propres berceuses à leurs protégés, exprimant leurs sentiments sur l’attitude des mères:

Ha ! cette mère, qui prend sa nourriture seule.
Ha ! cette mère, avant qu’elle ait mangé.
Ha ! cette mère qu’elle dit, ‘Berce les enfants pour moi’.
Ha ! cette mère quand elle a fini de manger.
Ha ! cette mère qu’elle dit ‘Donne-moi l’enfant’.
(Bansisa 1936 : 110)

5L’une des principales raisons d’être de ces berceuses chez les nourrices Nyoro semblerait en fait être, non pas principalement le fait de bercer l’enfant du tout, mais un commentaire indirect sur leur propre position, « car elles avaient peur de faire des demandes directes à leurs maîtres et donc elles exprimaient toujours ce qu’elles voulaient dans des berceuses ». (Bansisa 1936 : 110)

6D’autres berceuses africaines correspondent plus facilement à notre image commune d’une mère concentrée sur les besoins de son enfant ; mais même dans celles-ci le ton et le but peuvent varier. Certaines mettent surtout l’accent sur l’idée de bercer l’enfant pour l’endormir, souvent mise en évidence par le rythme et les voyelles liquides de l’original. Voici, par exemple, le premier couplet d’une longue berceuse swahilie :

Lululu, mwana (wa) lilanji,
Luluhi, mwana (wa) kanda!
Luluhi, mwana (wa) lilanji,
Lululu, mwana (wa) kanda !

(Lululu, Kindchen, warum weinst du?
Lululu, verwöhntes kleines Kind!
Lululu, Kindchen, warum weinst du?
Lululu, verwöhntes kleines Kind !)
(Von Tiling 1927 : 291-2)

7et les mêmes sons répétitifs apaisants se retrouvent dans l’une des berceuses zouloues les plus courantes :

Thula, thula, thula, mntanami,
Ukhalelani na ?
Ushaywa ubani?
Thula mntanami, umam’akekho

  • 3 Voir aussi des versions légèrement différentes dans Curtis 1920 ; Vilakazi 1938 : 120. La référence à la mothe (…)

(Paix, paix, paix, mon enfant,
Pourquoi pleures-tu ?
Qui ennuie ?
Paix, enfant, la mère n’est pas à la maison).
(Dhlomo 1947 : 7)3

  • 4 Par exemple, la chanson swahilie donnée par Von Tiling 1927 : 290.

8D’autres chansons semblent représenter davantage le plaisir de la mère à jouer avec son enfant que le désir de l’apaiser,4 ou un commentaire détaché et de bonne humeur comme dans la berceuse qu’une mère Dogon chante à l’enfant sur son dos:

Où est partie la mère du petit?
Partie puiser de l’eau.
Pas revenu de puiser l’eau.
Partie piler la feuille de baobab
Pas revenue de piler la feuille
Partie préparer les plats
Pas revenue de préparer les plats
Sur la falaise, sur la falaise, un oeuf de poule est suspendu !

9où la dernière ligne illustre de façon vivante la façon dont les fesses du petit enfant sont perchées comme un œuf sur le dos raide de sa mère (Griaule 1938a : 226). La mère Kamba décrit également sa propre absorption dans son enfant et sa négligence des autres choses pour lui, considérant sa propre attitude avec un certain détachement:

  • 5 Les enfants Kamba sont souvent appelés « mère » par leurs propres mères
  • 6 c’est-à-dire Je suis heureuse que tu sois venue me voir, mais je n’ai jamais autant pleuré quand j’étais bébé.
  • 7 i.e. bâton à creuser. Les femmes sont généralement très occupées dans leur jardin au début de la saison des pluies, (…)
  • 8 Pour quelques autres références aux berceuses, outre celles déjà mentionnées, voir par exemple Nketia 1958b (A (…)

Mère,5 mère de l’enfant, cesse de pleurer, pauvreté !
Tu es venue, tu m’as surpassé en pleurs6.
Et même si c’est la pluie qui pleut,
j’ai écarté l’arbre,7 j’appellerai ma mère.
Et même si c’est le Masaï,8

qui porte la lance et le bouclier, j’ai écarté l’arbre.
Je t’appellerai, je me bercerai sur mon bras, mère.
Je n’entendrai pas les chèvres qui bêlent.
(Lindblom iii, 1934 : 51)

10Comme beaucoup d’autres berceuses, celles des Rundi sont caractérisées par le rythme et la cadence ainsi que par l’utilisation de mots onomatopéiques. Mais elles semblent également avoir un ton méditatif. La mère exprime et commente ses propres sentiments et ses attentes quant aux attitudes des autres:

O ce qui me donne du travail, je t’aime.
Demain de bonne heure nous causerons.
De très bonne heure, des qu’il fera clair.
Viens que je te caresse (en te donnant de petits coups).
Endors-toi, mets fin à ma solitude.
Ecoutons s’il y a des ennemis.
Mon roi, mon roi.

Tranquille ! que je te frotte d’odoriférants
Qui t’accompagnent chez le roi (qui te font arriver jusque chez le roi).
Tranquille ! sommeille sur le dos.
Ta belle-mère est stérile.
Elle te donnerait du tabac (au lieu de nourriture).
Même si la bouillie ne manque pas.
(Zuure 1932 : 352)

11Il existe aussi des comptines ou des chansons destinées aux adultes et récitées aux enfants, distinctes à la fois des berceuses et des chansons ordinaires pour adultes. Les Zoulous auraient de nombreuses « chansons pour enfants », tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines, dont une composée d’une combinaison amusante de clics pour apprendre aux enfants la prononciation correcte (Qhuweqha weqhuweqha, / Qhingqilithi qh ! etc.) (Vilakazi 1938 : 121). Plusieurs exemples de ces comptines pour enfants sont inclus dans l’étude exhaustive de Griaule, Jeux dogons. L’une d’elles est destinée au jeu de doigts:

Le petit doigt a dit ; oncle j’ai faim
L’annulaire a dit : nous allons recevoir (à manger)
Le majeur a dit : demandons
L’index a dit : volons
Le pouce a dit : je n’en suis pas (pour voler).
Depuis ce temps, le pouce s’est écarté des autres doigts.
(Griaule 1938a : 224)

12La chanson suivante consiste à arrêter les pleurs d’un petit enfant en lui chatouillant le bras:

Singe noir
Dans la main de mon fils
Ai mis un pélyé cassé
L’a enlevé puis l’a mangé
Puis ça, puis ça, puis ça.
Ça, gêrgêrgêr…
(Griaule 1938a : 225)

  • 9 Ils sont parfois mentionnés en passant pour d’autres peuples, par exemple Tracey 1929 : 97 (nursery rhymes amo (…)

13Il ne semble pas y avoir de preuves de l’existence d’un grand corpus de comptines spécialisées dans aucune société africaine dans la même mesure que dans la tradition anglaise, par exemple. Cependant, il est difficile de croire que c’est seulement chez les Zoulous et les Dogons – deux des cultures africaines les plus étudiées – que l’on peut trouver des rimes du type cité, et il est très possible que des recherches ultérieures révèlent des formes de rimes enfantines similaires dans de nombreuses autres sociétés africaines9.

II

14Comme les enfants d’ailleurs, les enfants africains semblent disposer de la gamme familière de jeux et de vers pour leurs propres jeux – chansons de bon sens, jeux de chant, rimes d’attrape, et ainsi de suite. Ils se livrent également à des devinettes et à d’autres jeux et danses qui ne peuvent être traités ici (voir Ch. 15).

15Avant de citer des exemples de ces vers d’enfants, il faut émettre une note de prudence. De toute évidence, ce qui doit être considéré comme des  » vers d’enfants  » dans une société donnée dépend de la classification locale des  » enfants « , et on ne peut pas nécessairement supposer que les  » chansons d’enfants  » d’une autre société sont directement comparables à celles de la sienne. Dans la société anglaise, par exemple, le concept contemporain d' »enfant » est étroitement lié à l’idée d’une population scolaire, d’une communauté partiellement séparée d’écoliers dont les conventions et les traditions sont en quelque sorte opposées à celles des adultes. Il était donc approprié que les principales sources de l’ouvrage classique des Opies (1959) sur les vers pour enfants soient les écoles. Mais cette association étroite entre les enfants et les écoles formelles n’est pas vraie dans toutes les régions d’Afrique – et l’était encore moins dans le passé – et on ne peut pas nécessairement supposer la même séparation nette entre les intérêts et les orientations des enfants et ceux des adultes.

16 Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de moyens locaux ou traditionnels de distinguer le groupe d’âge des enfants de celui du monde des adultes, simplement que ceux-ci ne correspondent pas nécessairement à ceux de l’Europe occidentale. Il est courant qu’une initiation cérémonielle marque une ligne de démarcation claire entre l’enfance et la maturité, souvent aux alentours de l’âge de la puberté, mais dans certaines sociétés (ou chez certains individus), cela peut être beaucoup plus tôt ou beaucoup plus tard. Dans certains cas, l’initiation peut avoir lieu dès l’âge de sept ou huit ans, par exemple, et les chants d’initiation spéciaux qui font si souvent partie de cette cérémonie peuvent sembler correspondre à des chants chantés par des groupes d’âge similaires dans d’autres sociétés. En fait, leur intention peut être tout à fait différente ; ils doivent être chantés par les enfants en tant qu’initiés (c’est-à-dire qu’ils ne sont officiellement plus des enfants) et sont souvent enseignés par leurs aînés. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme des chants d’enfants au sens où nous l’entendons ici. Dans certaines sociétés africaines, là encore, les enfants subissent une forte pression, à mesure qu’ils grandissent, pour prouver qu’ils sont prêts à entrer dans le monde des adultes. Cela signifie que, en plus d’avoir leurs propres vers et jeux, ils sont susceptibles d’essayer de maîtriser certaines des chansons et autres activités considérées comme convenant aux adultes, et, en fait, peuvent être encouragés à le faire. Chez les Ila et les Tonga de Zambie, par exemple, les ziyabilo, qui font l’éloge du bétail et d’autres biens, sont chantés par des hommes adultes ; mais nombre de ces ziyabilo pour adultes ont en fait été composés par leurs chanteurs alors qu’ils étaient encore de jeunes garçons gardant le bétail de leur père dans la brousse. L’enfant se modèle donc lui-même et ses vers sur son père et d’autres hommes adultes plutôt que de se concentrer sur un type spécial approprié aux enfants (Jones 1943 : 12-13).

17Une façon dont les enfants sont souvent séparés des autres groupes est dans le type de travail qu’ils sont censés faire, et il y a parfois des chansons spéciales associées à ces tâches. Il s’agit notamment des chansons légères chantées par les jeunes garçons Limba qui passent de longues semaines pendant les saisons des pluies dans des abris de ferme à effrayer les oiseaux et les animaux du riz en train de mûrir, ou de la chanson des enfants chez les Dogon, chantée pour décourager divers oiseaux de piller le mil :

  • 10 Un village voisin.

Oiseau, sors!
goro sors!
bandey sors!
Pour vous le mil n’est pas mûr.
II n’est pas l’heure de manger le mil vert
Diarrhée du ventre.
Où il est parti le guérisseur de la diarrhée?
II est parti à Banan10
II est parti à Banan ; ce n’est pas le moment de venir.
Oiseau sors!
Tourterelle sors!
Pigeon sors.
(Griaule 1938a : 220)

18Si la nature exacte des « vers d’enfants » doit être considérée comme dépendant en partie des idées particulières de chaque société sur la structure d’âge, l’attribution des tâches et le comportement attendu des différents groupes d’âge, il semble néanmoins que dans la plupart des sociétés africaines, les enfants se séparent dans une certaine mesure des adultes dans au moins certaines activités ludiques et ont au moins quelques rimes et chansons qui leur sont propres. Cela est favorisé par le fait que beaucoup d’entre eux vivent dans de grands groupes familiaux et passent beaucoup de temps en plein air à l’extérieur de leur maison plutôt que dans de petits cercles familiaux fermés. De nos jours aussi, il y a le facteur supplémentaire du nombre croissant d’écoles.

  • 11 Iyoo, o / Abo, kwekwe, / ihwu, Iruka / ede / bwaloka, okabwalede, / nkpi bwaloka (Thomas 1913 iii : (…)

19Les chansons de non-sens, les rimes à tordre la langue et les vers à ruser sont tous documentés. Les filles Ibo, par exemple, chantent une rime absurde qui pourrait être traduite par ‘Oh, oh, oh, oh, / les filles sont d’accord / grande fille, Iruka / koko yams, / sour, sour koko yams, / he goat sour’,11 et des virelangues sont enregistrées chez les Mbete d’Afrique centrale occidentale et autres:

Kusa le podi kudi – Le liseron enlace le poteau.
Kudi le podi kusa – Le poteau enlace le liseron
et
Mva o kwadi nama – Le chien attrapa l’animal.
nama o txwi mva – L’animal mord le chien.
(Adam 1940 : 133)

  • 12 Par exemple, les Dogon d’Afrique de l’Ouest (Griaule 1938a : 212-14) et peut-être les Fulani (si les exemples de « chaîne- (…)

20Le non-sens prend fréquemment la forme d’une sorte de rime suivie ou progressive, généralement dans le dialogue. Sous une forme ou une autre, ce type de jeu verbal a été enregistré dans plusieurs parties du continent.12 Les séquences peuvent être juste pour s’amuser ou peuvent également inclure un contenu compétitif certain constituant une sorte de jeu. C’est le cas chez les Moru du Sud-Soudan, où les enfants se divisent en deux camps, dont l’un pose les questions. La réponse dépend de la capacité à se souvenir assez rapidement de la bonne séquence de mots, et ceux qui se trompent sont ridiculisés:

A

A’di ru doro maro ni ya ?

Qui a pris mon bol ?

B

Kumu au.

Kumu a.

A

Kumu a’di ?

Qui est Kumu ?

B

Kumu Ngeri.

Kumu fils de Ngeri.

A

Ngeri a’di ?

Qui est Ngeri ?

B

Ngeri Koko.

Ngeri fils de Koko.

A

Koko a’di ?

Qui est Koko ?

B

Koko Lire.

Koko fils de Lire.

A

Lire a’di ?

Qui est Lire ?

B

Lire Kid.

Lire fils de Kide.

A

Kide a’di ?

Qui est Kide ?

B

Kide Langba.

Kide fils de Langba.

A

Langba a’di ?

Qui est Langba ?

B

Langba Kutu.

Langba fils de Kutu.

A

Kutu a’di ?

Qui est Kutu ?

(finissant fortissimo)

B

Kutu temele cowa

Kutu est un mouton dans la forêt

Dango udute nyorli.

Les taureaux dorment profondément. (Mynors 1941 : 206)

21Parfois le parallélisme verbal est moins exact, comme dans la « chanson à part des enfants » swazi dans laquelle les enfants sont divisés en deux groupes qui se relaient pour chanter une ligne, puis se rejoignent à la fin. Ce n’est pas une rime d’action, mais son attrait dépend uniquement des mots et de la mélodie:

A

Ye woman beyond the river!

B

Nous ! (répondant à l’appel)

A

Qu’est-ce que vous époussetez ?

B

J’époussete un jupon de peau.

A

C’est quoi un jupon de peau ?

B

C’est Mgamulafecele.

A

Qu’ont-ils tué ?

B

Ils ont tué une mouffette.

A

Où l’ont-ils pris ?

B

À Gojogojane.

A

Qui est Gojogojane ?

B

C’est celui qui mange du boudin quand il a faim.

A

Pour qui le laisserait-il ?

B

Il en laisserait (une partie) pour Shishane.

22A. et B.

Shishane n’est pas à blâmer,
Le blâme est pour Foloza,
Celui qui dit que lui seul est beau.
Les houes de Mbandzeni
Elles vont frapper contre lui,
Le cogneur de Njikeni.
Magagula, Magagula garde la motte de terre bien serrée dans ton
(donné comme cité dans Englebrecht 1930 : 10-11)

23Une forme plus compliquée est citée chez les Mbete où la rime se construit de manière cumulative. Deux enfants y participent:

A

Sedi a nde ?

La gazelle où est-elle ?

B

Sedi miye nkwi.

La gazelle est allée au bois.

A

Omo a nde ?

La première où est-elle ?

B

Omo milono sedi o nkwi.

La première a suivi la gazelle au bois.

A

Oywole a nde?

La deuxième où est-eslle ?

B

Oywole milono omo,

La deuxième a suivi la première,

Omo milono sedi o nkwi.

La première a suivi la gazelle au bois.

A

Otadi a nde?

La troisième où est-elle?

B

Otadi milono oywole,

La troisième a suivi la deuxième,

Oywole milono omo,

La deuxième a suivi la première,

Omo milono sedi o nkwi…

La première a suivi la gazelle au bois…

  • 13 Adam also gives an example where the response directly echoes the second half of the query (1940: 1 (…)

24and so on up to the tenth which involves the answerer repeating the whole sequence (Adam 1940: 132–3).13

25Other types of rhymes and songs are also recorded. Il y a le type de rime d’accroche illustré par le Yoruba:

Qui a du sang ?

Chorus.

Sang, sang.

Une chèvre a-t-elle du sang ? »

Sang, sang.

Une brebis a-t-elle du sang ? »

Sang, sang.

Un cheval a-t-il du sang ? »

Sang, sang.

Une pierre a-t-elle du sang ? »

– –

26dans lequel le but du jeu est d’essayer de faire dire à un enfant quelconque « sang » après un objet inanimé. Une erreur entraîne des rires et parfois un coup amical (Gbadamosi et Beier 1959 : 55 ; 67). Il semble aussi y avoir beaucoup de chansons appréciées pour elles-mêmes ou pour leur utilité à se moquer des autres enfants. Un enfant Dogon dont la tête vient d’être rasée sera salué par

  • 14 Certains d’entre eux sont sous la forme de « rimes en chaîne ».

Crâne nu, lonlaire!
Viens manger un plat de riz,
Viens manger un plat de potasse,
Viens manger un plat de mil.
(Griaule 1938a : 230)14

27 tandis qu’un enfant Ganda qui ne s’est pas lavé peut entendre

Monsieur. Dirty-face est passé ici
Et Mr. Dirtier-face a suivi
(Sempebwa 1948 : 20)

28Or encore, une sorte de commentaire général peut être fait comme dans la chanson humoristique et grimaçante d’un enfant Yoruba;

La faim me bat.
La vendeuse de savon colporte ses marchandises.
Mais si je ne peux pas laver mon intérieur,
Comment puis-je laver mon extérieur ?
(Gbadamosi et Beier 1959 : 54)

  • 15 Il est presque certain que l’on peut trouver d’autres matériaux qui jusqu’à présent n’ont atteint qu’une diffusion locale, par ex. (…)

29Jusqu’à présent, nous nous sommes concentrés sur les rimes et les chansons qui sont principalement appréciées pour leurs mots ou leur musique plutôt que pour leur relation à l’action. Mais il existe également de nombreux exemples de chansons chantées pour accompagner des jeux ou des danses, ou faisant partie intégrante de ceux-ci. Un exemple mineur est celui des rimes de comptage des Dogon, où les participants sont progressivement éliminés en fonction de la jambe sur laquelle tombe la dernière syllabe à chaque répétition.15 Les enfants Yoruba utilisent également une rime dans le cadre d’un jeu de cache-cache. Le chercheur fait face au mur en chantant sa chanson absurde tandis que les autres se cachent. Lorsqu’il arrive à la partie question de la chanson, les autres doivent répondre en chœur, lui donnant ainsi un indice sur leurs cachettes :

Maintenant nous jouons à cache-cache.
Permettons-nous de jouer à cache-cache.
Hey, vendeur de tabac,
C’est ta mère ici,
que j’enveloppe dans ces feuilles.
J’ai ouvert la marmite de soupe
et je l’ai surprise à l’intérieur
à voler de la viande!
Qui cloue la racine?
Chorus. Le charpentier.
Qui coud la robe ?
Chorus. Le tailleur. (etc.)
(Gbadamosi et Beier 1959 : 55 ; 68)

30D’autres chansons d’action sont plus compliquées en ce qu’elles sont basées sur l’imitation ou sur des modèles de danse définis. Les enfants Shona, par exemple, ont un chant imitatif dans lequel ils tournent en rond en imitant un aigle qui attrape des petits poulets (Taylor 1926 : 38). Encore une fois, il y a les chants d’action hottentots basés sur les principes communs d’un anneau ou de deux rangées se faisant face (Stopa 1938 : 100-4).

31Un compte rendu plus détaillé des chants d’action est donné par Tucker, s’appuyant sur son observation des enfants dans les écoles de mission au Soudan dans les années 1930 (Tucker 1933). Sa conclusion est que les chants et les jeux n’ont pas été introduits par les missionnaires eux-mêmes (ou du moins pas consciemment), mais quelle que soit la vérité à ce sujet, il est en tout cas approprié de terminer en citant ce récit de manière assez détaillée. Les écoles prennent de plus en plus d’importance dans la vie de plus en plus d’enfants en Afrique, et il est probable que des jeux chantés similaires – quelle que soit leur source – sont maintenant répandus (et donc accessibles à l’étude) parmi les groupes scolaires.

32Les enfants dont les jeux ronds ont été étudiés étaient pour la plupart des garçons de divers peuples du Sud-Soudan (Nuer, Shilluk, Dinka, Bari et Lotuko). Les jeux sont joués au clair de lune, pendant la saison sèche, et les chants, le plus souvent en strophe et antistrophe, sont dirigés par l’un des garçons et accompagnés par des claquements de mains, des battements de pieds ou l’action du jeu. Souvent, les mots eux-mêmes comptent pour peu. Parfois, le sens est presque illisible, et dans ce domaine, les Shilluks et les Nuers sont les plus grands contrevenants, certaines de leurs chansons consistant en de simples syllabes absurdes, qu’ils ne prétendent pas comprendre. (Dans de tels cas, ils donnent généralement que les mots sont « Dinka »)  » (Tucker 1933 : 166). Les traductions sont donc assez libres.

33La plupart des jeux chantés sont basés sur le principe d’un anneau, les joueurs étant accroupis ou debout en cercle. Dans l’un d’eux, l’équivalent de  » Chasse à la pantoufle « , les joueurs sont assis en cercle, les pieds sous la tête. Le meneur au centre du cercle doit trouver un bracelet que l’on fait passer subrepticement autour du cercle. Il chante, répondu par les autres en faisant claquer leurs genoux en rythme avec la chanson:

Meneur. Bracelet de la femme de mon fils,

Chorus. Je veux je veux maintenant, bracelet de la pauvre Bana, Il est perdu

34répété encore et encore jusqu’à ce que le leader réussisse à défier l’un des cercles qui, s’il est pris avec le bracelet, doit prendre la place du leader au centre. (Ibid. : 166-7) Une autre chanson d’action basée sur un anneau est un type de jeu de comptage:

Les garçons sont assis en cercle, ou, peut-être, à angle droit, avec leurs pieds plantés droit devant eux. Un garçon plus âgé s’accroupit sur ses hanches devant eux et chante une formule étrange, beaucoup plus longue que n’importe quel équivalent européen, tapant les pieds pendant qu’il chante, jusqu’à ce que le dernier mot soit dit. Le pied touché en dernier est « out » et le propriétaire doit s’asseoir dessus. Il continue ainsi jusqu’à ce que tout le monde soit assis sur ses deux pieds, c’est-à-dire pratiquement à genoux. Il commence alors avec le premier garçon de la file. Il y a une formule et une réponse, puis il s’incline devant le garçon, les yeux fermés et sa tête touchant presque les genoux du garçon. Le garçon doit se lever sans toucher la tête de l’homme avec ses genoux. (Il peut s’aider de ses mains, s’il le souhaite.) Si l’homme entend les genoux du garçon craquer lorsqu’il se lève, le garçon doit se mettre sur le côté. Si ses genoux ne craquent pas, il se tient ailleurs. Bientôt, nous aurons deux groupes – les genoux qui grincent et ceux qui ne grincent pas (bien sûr, plus longtemps on est obligé de s’asseoir sur ses pieds, plus il y a de chances que les genoux grincent !)… Le jeu se termine par les genoux non grinçants qui poursuivent les genoux grinçants et les punissent
(Tucker 1933 : 169-70)

35Un autre jeu d’anneau est celui de Lotuko dans lequel un garçon au centre, « le singe », doit essayer de saisir la jambe d’un des garçons qui dansent autour de lui dans un anneau et de le bouleverser. S’il réussit, ils changent de place:

Voilà qu’il fait le tour pour voler
S’échapper
Mauvais singe.
S’échapper
Mauvais singe.
(Ibid. : 170)

36Il existe également un certain nombre de jeux basés sur l’idée de l’arc ou de la ligne. Dans l’un d’eux, les garçons s’alignent en deux rangs opposés et une ligne avance lentement vers l’autre, qui recule, les deux côtés chantant :

L’étranger
Chin d’une chèvre
L’étranger vient en marchant hautainement
Avec sa peau rouge.

37Ceci est répété plusieurs fois, les deux lignes avançant à tour de rôle. Soudain, le rythme et les vers changent. Ceux qui avancent courent maintenant les jambes raides et essaient de donner des coups de pied dans les tibias des autres, en chantant encore et encore:

Pourquoi l’étranger se dépêche-t-il ainsi?
Ha ! ha ! dépêchez-vous.
Pourquoi l’étranger se dépêche-t-il ainsi?
Ha ! ha ! dépêchez-vous.
(Ibid. : 182)

38Tucker commente que « ce jeu est définitivement une attaque contre l’homme blanc ». Le « menton de chèvre » dans la première chanson fait référence à la barbe des missionnaires de la R.C. (la barbe étant considérée comme inconvenante parmi les tribus nilotiques) ; tandis que le coup de pied dans la deuxième chanson est considéré comme un sketch sur l’utilisation par le fonctionnaire moyen de ses bottes lorsqu’il est en colère ou impatient’ (Tucker 1933 : 183).

39Les jeux de poursuite et de suivi ont également lieu sur des paroles chantées. Dans la version Acholi de « Follow my leader », les garçons sont debout en file indienne, se tenant par la taille, et le leader les entraîne dans un cercle fermé sur les paroles de la chanson « close in », puis les fait sortir en chantant « open out ». Les paroles de la chanson constituent l’arrière-plan. Le couplet « A dula dul dula na dula dul. A dula ye. Dula na dula dul. A dula kuk ! Dula na dula dul. A dula ye  » signifie  » se rapprocher « , tandis que le même air, avec gonya au lieu de dula, signifie  » s’ouvrir  » (Ibid. : 179).

40Enfin, il y a les imitations d’animaux. Certaines d’entre elles se produisent dans des jeux de poursuite comme le Shilluk  » Lion et mouton « , mais dans d’autres, les imitations semblent être prises plus au sérieux. Dans l’un d’eux, un garçon se dédouble pour représenter une grenouille et essaie de sauter en arrière dans un cercle sans tomber, au rythme de la chanson de ses compagnons :

Sauter de haut en bas,
Sauter de haut en bas.
Sauter de haut en bas,
Sauter de haut en bas.
Je sauterai encore,
Sauter de haut en bas.
Je sauterai encore,
en haut et en bas?
(Tucker 1933 : 185)

41Dans ‘Bush-buck in a trap’, le succès du jeu dépend de l’exactitude de l’imitation de l’animal par le meneur:

42Les garçons se tiennent en cercle, se tenant par la main. Un garçon est au milieu, et il est « Gbodi », le bush-buck. Il chante en adaptant ses gestes aux paroles, et les autres répondent en le copiant.

43Ainsi, par exemple:

Gbodi secoue la tête, Gbodi secoue la tête.
Kango.
Gbodi s’accroupit, Gbodi s’accroupit.
Kango.
Gbodi se gratte l’oreille, Gbodi se gratte l’oreille.
Kango.
Gbodi tape du pied, Gbodi tape du pied.
Kango.
Gbodi s’ébroue et renifle, Gbodi s’ébroue et renifle.
Kango.
Gbodi se détache maintenant, Gbodi se détache maintenant.
Kango.

44Aux mots « Gbodi se détache maintenant », il fait une course effrénée pour se mettre à l’abri, et tente de percer le cercle. S’il échoue, il doit à nouveau jouer le rôle de « Gbodi » (Ibid. : 184).

  • 16 Il en donne vingt-quatre en tout, entièrement illustrés avec la musique, l’original et (généralement) la traduction.

45Ce ne sont que quelques-uns des jeux de chant enregistrés par Tucker,16 et il prétend lui-même ne donner qu’une sélection aléatoire. Mais même cela, considère-t-il, « ramassé par hasard dans différents coins du Sud-Soudan, et couvrant des races primitives avec des langues mutuellement inintelligibles, devrait servir à montrer les principales bases sur lesquelles la grande majorité des jeux de chant des enfants sont construits … Ces bases sont, à toutes fins utiles, identiques à celles qui sous-tendent les formes de jeux d’enfants européens, à savoir. l’anneau, l’arc et la ligne’ (Tucker 1933 : 184).

  • 17 Ils sont mentionnés (ou, dans quelques cas, décrits) pour, par exemple, Kamba (Mbiti 1959 : 259) ; Ganda (Sempebw (….)
  • 18 Les exemples dogons recueillis par Griaule suggèrent le même type de variations sur un même thème pour s (…)

46Il semble évident que de nombreux jeux chantés de ce type et d’autres types de chansons enfantines restent à recueillir ou à analyser17. Pour l’instant, on ne peut pas dire grand-chose sur la répartition des différents types, la transmission de ces formes parmi les enfants eux-mêmes, le degré d’originalité individuelle par rapport aux formes conventionnelles18, ou l’incidence des commentaires d’actualité ou autres. Ce qui semble certain, c’est que le nombre croissant d’enfants scolarisés dans l’Afrique contemporaine est susceptible de développer de plus en plus leurs propres chansons et jeux distincts et conventionnels – de plus en plus, c’est dans les écoles que ceux-ci peuvent être étudiés le plus facilement et le plus fructueusement.